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Jeune femme brune souriante et jeune garçon assis tous les deux autour d'une table
Source: Elodie Soulie - Le Parisien

« Avec Ta voix compte, place aux jeunes pour la présidentielle » - Le Parisien

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Et si l’on mettait en place des binômes « un jeune-un député » à l’Assemblée nationale ? Et si la formation initiale et continue des professeurs intégrait les enseignements de la transition écologique, afin qu’ils soient diffusés aux élèves dès la maternelle ? Et si on arrêtait de permettre aux élus de payer une amende quand ils ne respectent pas les quotas de logements sociaux ? Et si la sensibilisation sur le harcèlement scolaire devenait obligatoire dès l’école primaire ?…

Ces quelques propositions, sur les 31 premières soumises depuis mi-janvier au vote du grand public, n’ont pas vocation à rester lettres mortes, saluées avec condescendance mais renvoyées à leurs (trop) jeunes auteurs. Au contraire, elles défient les 12 candidats à l’élection présidentielle, que les jeunes de ce projet « Ta Voix Compte », lancé par l’ONG Ashoka France, spécialisée dans le soutien aux entreprises sociales innovantes, comptent rencontrer un par un. Objectif affiché : amener les candidats à se saisir de ces propositions concrètes, les intégrer dans leur programme, et à les porter au débat public. À ce jour plusieurs candidats ont déjà répondu « banco » pour la rencontre, dont l’écologiste Yannick Jadot, la socialiste Anne Hidalgo et la républicaine Valérie Pécresse.

Les jeunes débordent d’idées et de questions

Ces propositions et la démarche qu’elles représentent, Ashoka et les 11 jeunes de 13 à 25 ans, sélectionnés pour leur action et leur tempérament, formés et accompagnés par des mentors, y travaillent depuis près de 6 mois. Juste assez pour mettre sur pied une plate-forme numérique de collecte des idées, et désormais de vote en faveur des projets paraissant les plus en adéquation avec les besoins de demain, sur tous les thèmes actuels. « Il n’y a pas que l’environnement qui mobilise les jeunes, il y a la santé, l’éducation, le numérique, la citoyenneté, le travail…. Le but est de montrer aux politiques que le monde de demain ne peut être envisagé sans prendre en compte la voix de la jeunesse », insiste Elsa Grangier, la directrice générale d’Ashoka France.

Cette ancienne journaliste et productrice de documentaires, déjà à l’initiative d’une plate-forme de comparaison des programmes des candidats lors de la présidentielle de 2017, a entrepris l’aventure « Ta voix compte » pour inciter les jeunes à s’investir durablement dans les changements sociétaux, et les politiques à les considérer comme des parties prenantes, des acteurs plutôt que des bénéficiaires passifs. « On ne peut pas faire un programme pour la jeunesse sans la jeunesse », martèle encore Elsa Grangier, qui a installé cette ambition dans la fourmilière innovante de Station F (XIIIe), l’immense pouponnière de start-up. « On assiste au paradoxe d’une grande désaffection des jeunes du vote, alors que près de 80 % des 16-25 ans sont engagés dans des associations, donc dans la vie citoyenne. Ta voix compte veut outiller cette jeunesse et ceux qui ont envie de devenir de vrais faiseurs pas des communicants… »

Parmi les jeunes il y a Amine, tout juste 18 ans, marseillais des quartiers nord minés par le trafic de drogue, dont le grand frère a été retrouvé assassiné et calciné il y a un peu plus d’un an. L’adolescent a créé Conscience, une association dont les actions visent à « montrer aux jeunes des quartiers qu’un autre avenir que les trafics est possible », et à aider les familles des victimes du trafic. Opérations de nettoyage, sensibilisation, distributions alimentaires, ateliers dans les écoles etc., Conscience se déploie désormais bien au-delà de Marseille, de Mulhouse à Lyon, Ajaccio, Tours, et bientôt à Paris. Au rayon santé, il y a aussi Hakaroa, 17 ans, diabétique, qui se bat avec son association Just Did It pour faire changer la loi qui interdit certains métiers comme pilote d’avion ou même policier, aux diabétiques et aux porteurs de maladies chroniques. Ambassadrice elle aussi, dont l’action gagne du terrain, Maeva, 18 ans, et son collectif « Stop fisha » contre le cyberharcèlement et le cybersexisme. Le principe : signaler ces comptes diffusant des photos de jeunes filles dénudées, parfois mineures, et apporter une aide juridique aux victimes.

Pour Zakaria : « Dans les banlieues aussi, des jeunes s’engagent »

Tout s’est fait sur un coup de tête, et Zakaria mesure le chemin parcouru depuis la naissance de Cité Solidaire 92, il y a 4 ans. « On était trois copains, on a eu l’idée de mettre chacun 50 euros et d’aller acheter de quoi faire une maraude. On a acheté des denrées et cuisiné un peu, c’était la première fois », raconte simplement ce jeune de 25 ans, dont le mouvement lancé dans une cité de Nanterre (Hauts-de-Seine), fédère désormais dans toute l’Île-de-France, grâce à la magie des réseaux sociaux. « Ça a pris de l’ampleur assez vite, je crois que c’est parce que les autres jeunes de partout se retrouvaient dans ce qu’on est et la façon dont on fonctionne », analyse Zakaria. L’association a distribué plus de 20 000 repas et compte environ 150 bénévoles, qui se relaient tous les samedis, sans exception, pour une maraude au cœur de la capitale, entre Châtelet, Auber et Opéra le plus souvent. « Les gens ont pris confiance en nous, petit à petit », se souvient le jeune homme, qui a connu les deux côtés de la précarité, et en a fait sa force d’action : « Quand j’étais enfant, on était au Restos du cœur. Lorsque j’en suis sorti, j’ai voulu rendre l’aide que j’avais reçue, et m’impliquer ».

Son bac en poche, Zakaria travaille dans le secteur socio-éducatif, et il a très envie « De casser les mauvais clichés des jeunes de banlieues. Il y a aussi des jeunes qui s’engagent, la preuve avec nos bénévoles, tous les samedis soir tu as 25 jeunes qui répondent présent. Le mot engagement peut faire peur alors que si tu leur proposes simplement de venir ou pas, sans obligation, ils viennent librement », assure Zakaria.

En rejoignant la « team » Ta voix compte, il entend prendre le contre-pied de la politique. « Le débat politique, ce n’est pas du tout mon délire, mais je veux que ma voix compte vraiment, et faire en sorte que les jeunes y croient encore. On nous sollicite pour les élections ‚mais une fois l’élection passée, on ne nous demande plus notre avis ! Si on fait comprendre aux jeunes qu’ils sont entendus, ils iront voter, et demain ça peut changer des choses. J’aime l’idée d’apporter ma pierre à l’édifice », sourit Zakaria.

Par Elodie SOULIE

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