« "Dividende écologique" : la MAIF peut mieux faire ! » - Tribune d'Elsa Da Costa, Les Echos Start
Les débuts d'année s'entament non seulement avec le rituel des voeux (souvent pieux) mais aussi celui des annonces. Certaines d'entre elles s'autoqualifient d'« historiques ». Un peu comme le moment que nous traversons face à la crise climatique, dont certains se demandent encore si nous aurions pu la prévoir. Alors bien entendu, nous ne pouvons que nous réjouir face aux dirigeants prenant valeur d'exemple avec pour point d'appui ces annonces. Sauf que certaines ne font l'objet d'aucun débat, d'aucune controverse, ni même de questionnement. C'est le cas de celle de Pascal Demurger, directeur général de l'assureur MAIF, dont je suis cliente-sociétaire. Ce statut m'a permis de recevoir un magnifique mail ayant pour objet « une décision historique ». Ce dernier m'informant « avec émotion et fierté » que 10 % des bénéfices de mon assureur allaient être redirigés vers la planète. Soit 10 millions d'euros par an. Un « dividende écologique » très similaire au « dividende sociétal » annoncé le même jour par la banque mutualiste Crédit Mutuel qui, elle, a prévu d'allouer 15 % de son bénéfice net à des initiatives environnementales et sociales (deux milliards d'euros sur les cinq prochaines années). J'ai écouté très attentivement l'explication faite par Pascal Demurger au micro de Léa Salamé jeudi 5 janvier. Ces 10 % seront répartis comme suit : Oui et non. Oui quand il s'agit d'accélérer la régénération de la biodiversité. Notons tout de même que par ce biais, il s'agit aussi de limiter les risques des clients sociétaires, donc en cascade limiter le montant des primes distribués par la MAIF en cas de catastrophes naturelles. Et non quand cela concerne la responsabilité de l'assureur vis-à-vis de ces clients sociétaires : autrement dit prévoir et limiter leur risque dans leurs habitations. Les actions de diagnostics ne devraient pas être intégrées à ces 10 % puisqu'elles doivent faire partie de la mission même d'un assureur. 2022 a été l'année la plus coûteuse de l'histoire pour les assureurs, soit huit milliards d'euros de primes concédées en France avec comme risque numéro un : les conséquences climatiques (sécheresse, feux de forêts, orages, grêle, inondations, impacts de foudre, etc.). Le coût des aléas naturels continuera de croître au rythme d'un doublement tous les 30 ans, avait déjà averti fin 2021 France Assureurs dans une étude . La menace est réelle pour la pérennité économique des assureurs. Et nous devons collectivement nous en soucier. Comme tant d'autres, le métier de l'assurance change en synchronie avec le climat. Et c'est aussi comme cela que les idées pourraient être abordées et défendues, notamment avec davantage de franchise. Le modèle mutualiste de la MAIF, sans actionnaire à rétribuer sous forme classique de dividendes, rend plus agile la répartition des bénéfices de la structure, qui appartient à ses clients sociétaires. Des bénéfices dégagés notamment après des investissements réalisés dans l'immobilier, les start-up et grâce à une bonne gestion patrimoniale. Néanmoins, ne pas avoir d'actionnaires ne signifie pas ne pas être comptable vis-à-vis de ceux qui font confiance au partenaire qu'ils choisissent pour gérer leur intérêt individuel, autrement dit les clients sociétaires eux-mêmes. Et comptables, cela passe par une sincérité dans les actions mises en place. D'ailleurs, en tant qu' « assureur militant », pourquoi ne pas interroger les clients sociétaires eux-mêmes sur la manière dont ils souhaitent octroyer ces 10 % des bénéfices ? Là émergeraient peut-être des actions s'appuyant davantage sur des innovateurs sociaux associatifs, qui n'ont pas plus d'actionnaires et sont aussi comptables auprès de leurs nombreux bénéficiaires. Alors oui, l'annonce de mon assureur est belle et doit inspirer d'autres entreprises. Mais cela ne doit pas nous empêcher de la nuancer et de la discuter.Dans ma boîte mail : « une décision historique »
Alors est-ce vraiment 10 millions au service de la planète ?
Des assureurs en danger et nous devrions tous nous en soucier
Et si on demandait l'avis des clients sociétaires ?