« Adapter la qualité de société à mission aux médias » - Tribune d'Elsa Da Costa, Les Echos
A l’origine de tous les débats et rencontres dans et autour des Etats généraux de l’information (EGI) surgit l’évidence que l’information n’est pas un bien comme les autres. L’information répond en très grande partie aux critères de ce qu’est un bien commun. Comme la culture en général. Ce n’est pas une marchandise « ordinaire ». La réception ou l’échange d’une information ne prive pas celui qui la transmet de cette même information. Bien au contraire, comme Michel Serres le décrivait, l’échange d’un poème, d’un théorème ou d’une information « augmente » l’humanité et « enrichit » chacune et chacun d’entre nous. C’est dire la responsabilité des médias qui agissent sur les représentations que les citoyens se font du monde. Combat à la fois exaltant et difficile à tenir ! Particulièrement dans un monde ou des milliards d’images et de mots circulent chaque jour sur les plateformes ! Les médias sont coûteux et faiblement rentables, quand ils le sont. Certains actionnaires investissent aussi parce qu’ils pensent que la qualité de l’information, notamment sa diversité et son pluralisme, protège les fondamentaux de la démocratie. Etendre la qualité de société à mission aux médias, comme l’ont proposé les EGI, c’est reconnaître le statut particulier de l’information. La démarche doit évidemment rester libre et volontaire de la part des actionnaires. La société à mission d’information serait une « adaptation » aux médias de la qualité de société à mission. Qualité dont le nombre croît en France et qui est devenu majoritaire dans les pays du nord de l’Europe. Au-delà de la définition traditionnelle d’une entreprise par sa performance économique, la société à mission reconnaît l’impact social et citoyen d’une entreprise au sein d’une démocratie. Charge à l’entreprise de définir ses grandes missions à impact, missions qui seront auditées par des cabinets indépendants, lesquels pourront récuser cette qualité si elle n’était pas respectée. La qualité de société à mission s’exercerait ainsi dans le champ de l’information et de son lien étroit avec la démocratie. Développer l’éducation à l’information, pousser à la diversité dans les rédactions, réfléchir aux moyens d’atteindre ceux qui sont exclus de l’accès à l’information, donner une place plus grande à l’enjeu du vivant, favoriser une vraie éthique de la discussion, développer l’esprit critique des enfants et des jeunes… pourraient être des missions spécifiques des médias. La gouvernance du comité de mission devrait être plurielle. L’actionnaire y serait présent, évidemment, mais aussi toutes les parties prenantes. Les journalistes en premier lieu et les lecteurs qui représentent la société. Ces derniers jouent un rôle particulier et ont une responsabilité forte car, à l’heure des réseaux, ils retransmettent l’information qu’ils reçoivent en quasi-temps réel. Rappelons-le, ce comité de mission ne se substitue pas à la gouvernance « classique » de l’entreprise mais permet d’évaluer comment les médias ont respecté ce bien commun. Les discussions actuelles de modification des critères d’attribution des aides de l’Etat aux médias pourraient intégrer le filtre de cette nouvelle qualité de société à mission d’information. Comme l’Etat est aussi le garant du bien commun, il doit aider en priorité ceux qui facilitent le dialogue démocratique entre les citoyens par la production et diffusion d’une information fiable et responsable.