« Par ici les passeurs de récits ! » - Tribune d'Elsa Da Costa, La Croix
Nathalie Valette, Marion Loulmet, Sophie Lasserre et Renaud Desforges, nos lecteurs, ont pu apprécier qu’il est possible de transformer la société. Les « fellows » d’Ashoka Anne Charpy, Laetitia Vasseur, Franck Billeau et Fabrice Hégron montrent la voie, déploient une énergie hors du commun, en agissant à l’échelle territoriale ou internationale. Non seulement ceci n’est pas une utopie, mais en plus, cela se passe en France ! Depuis quarante-deux ans, partout dans le monde, Ashoka identifie, structure et accompagne à vie ceux qui passent la leur à transformer la nôtre au service de l’intérêt général. Hélas, à bas bruit. Il est temps de donner de l’ampleur à ces histoires en proposant une nouvelle façon de les raconter. Comment ? En les vivant ensemble, entrepreneurs sociaux, journalistes et lecteurs. Auteurs, lanceurs et passeurs de récits unis pour une même cause, celle de la possibilité d’un monde juste, durable et soucieux de son environnement. Rendre visible ce qui est invisible est un enjeu médiatique. Pour accélérer non seulement la prise de conscience des problématiques sociales et environnementales, mais aussi le passage à l’action pour tous, la nécessaire transformation de notre société exige un récit collectif. Pourquoi ? Parce que, des peintures rupestres aux vidéos Tik Tok, l’humanité a toujours adoré (se) raconter des histoires. Qu’elles soient à dormir debout ou du soir, nous en raffolons. Comme l’écrit Camille de Toledo (1), nous sommes des « Homo narrens ». Ces narratifs façonnent nos imaginaires, construisent nos idéaux, nourrissent notre soif de savoir, nous permettent de nous identifier et vont même jusqu’à influencer nos comportements. Et c’est bien de cela dont nous avons besoin pour la transition écologique et sociale. Aujourd’hui, nous sommes tous médias. Un exemple : 52 millions d’utilisateurs mensuels sur YouTube en France (2). L’ère de la mono-information implanteson contenu dans nos cerveaux. En conséquence, une sinistrose ambiante paralysant toute possibilité d’entrevoir des solutions. Pire, s’ensuit alors la création d’une défiance à l’égard des journalistes. Notre époque fait de nous bien plus que des lecteurs. Nous sommes tous des passeurs de récits. D’ailleurs, certains l’ont bien compris, car une fausse information se diffuse sept fois plus vite qu’une vraie. Notre époque nous impose aussi de décider des histoires que nous souhaitons passer. En responsabilité. Car ce qui n’est pas raconté n’existe pas. À vous d’être passeur de ces récits. Vivez-les. Racontez-les. (1) Histoire du vertige, Verdier, 224 p., 19,50 € (2) We Are Social, « Digital Report », janvier 2023