Anne Roos-Weil
Ashoka Fellow depuis 2012   |   France

Anne Roos-Weil

Pesinet
Anne Roos-Weil a mis au point un système médical rentable permettant de réduire considérablement le nombre d'enfants et de mères africains qui meurent de maladies bénignes. Grâce à des…
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Anne Roos-Weil est un alumni du réseau Ashoka. Pour plus d’information sur ce statut, veuillez nous contacter à [email protected].

 

IDÉE

La mission de Djantoli est de prévenir, détecter et traiter rapidement les maladies bénignes, causes principales de mortalité infantile et maternelle en Afrique subsaharienne. En conjuguant micro-assurance, technologies mobiles et travail de proximité d’agents itinérants à bas coût, Anne fait entrer la santé au cœur des familles et facilite un accès précoce aux soins.


IMPACT

Djantoli agit au Mali (Bamako) et au Burkina Faso (Ouagadougou, Fada N’gourma) : 17 quartiers d’intervention en zones urbaines et périurbaines. Parmi les abonnés, le recours aux soins est multiplié par 3. Au total, ce sont plus de 9 000 enfants de moins de 5 ans abonnés, 10 000 mères de jeunes enfants, et 17 centres de santé communautaires. Seuls 7 décès sont à déplorer sur les 6 000 enfants suivis, contre un ratio national de 1 sur 7.


QUI EST-ELLE ? 

Anne est passionnée des questions de santé publique et d’entrepreneuriat social. Diplômée de Sciences-Po, de l’Essec et de l’Ecole de Santé Publique de Nancy, elle a sillonné à pied des bouts de continents à la rencontre de leurs habitants avant de tomber amoureuse de ceux du Mali. Son projet remporte la finale européenne de la Global Social Venture Competition 2009 de l’université de Berkeley et le prix “Top Innovators” de la Fondation Rockefeller (2011). Anne a quitté la direction de Djantoli pour rejoindre une grande agence de développement en 2017.

This description of Anne Roos-Weil's work was prepared when Anne Roos-Weil was elected to the Ashoka Fellowship in 2012.

Introduction

Anne Roos-Weil a mis au point un système médical rentable permettant de réduire considérablement le nombre d'enfants et de mères africains qui meurent de maladies bénignes. Grâce à des compétences simples et à des téléphones portables, elle recueille systématiquement des données sanitaires de base et les transmet par voie électronique au personnel médical local afin de l'informer du traitement ou de l'action médicale à entreprendre. Soutenue par le ministère malien de la santé et des entreprises privées, l'idée d'Anne systématise la détection précoce de 70 % des cas de mortalité et crée un système de basculement de la maladie vers le bien-être.

L'idée nouvelle

En Afrique subsaharienne, les maladies qui peuvent être facilement traitées sont encore responsables de 60 % des décès d'enfants en bas âge. En contrôlant régulièrement les données sanitaires de base, Anne a créé un système simple et innovant qui permet l'identification précoce des maladies et des états pathologiques. Dans son modèle, des femmes anciennement au chômage reçoivent une formation sanitaire de base pour effectuer des visites de santé au domicile des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans. Elles recueillent des informations sur le poids, la température et les symptômes précoces, puis envoient les données à une plateforme en ligne à l'aide d'un téléphone portable et d'un logiciel spécialisé. Les médecins locaux se connectent à cette plateforme afin de suivre les patients malades, de détecter les anomalies médicales et de proposer un traitement. Le travail d'Anne a permis de prévenir les urgences médicales et les complications et de réduire considérablement le taux de mortalité infantile.

Reconnaissant que le taux de fréquentation des établissements de santé est très faible dans le pays (30 %), Anne intègre son service dans les centres de soins primaires existants et développe les capacités locales pour mettre en place des systèmes de soins efficaces. Grâce au service Pesinet, les infrastructures locales bénéficient d'une augmentation de 40 % des visites et de nouveaux revenus sur les ventes de médicaments. Forte du succès de son travail dans trois centres de Bamako, Anne a signé un accord national avec le ministère de la Santé et la Fédération des centres de santé communautaires qui lui permettra de reproduire facilement sa solution dans tout le Mali et de transformer les soins de santé en un système rentable et préventif.

Le système de détection sanitaire durable et abordable d'Anne présente un double avantage : il améliore l'accès aux soins tout en réduisant les coûts. Les membres de la famille qui s'abonnent ne paient que 1 € (1,37 USD) par mois pour une micro-assurance qui comprend des soins préventifs, des consultations médicales et des médicaments à moitié prix. Incluant également une visite hebdomadaire, le service Pesinet permet aux familles de réduire de 50 % leurs dépenses annuelles moyennes de santé tout en intégrant l'importance de la prévention. Anne développe la viabilité de sa solution basée sur le marché par le biais d'abonnements et d'un système de tarification échelonnée qui lui permet d'atteindre les classes moyennes et supérieures, de nouveaux services pour les femmes enceintes et de l'intégration de son service dans les systèmes d'assurance mutuelle existants. Le modèle d'Anne fait évoluer le système de santé d'une prise en charge des malades vers la promotion de la prévention et du bien-être.

Le problème

Bien que le système de santé malien bénéficie d'un réseau de 800 centres de soins de santé primaires, seuls 50 % d'entre eux sont bien équipés en personnel médical et en médicaments. Par conséquent, les taux de mortalité au Mali sont comparables aux estimations globales dans les pays en développement : un enfant sur six meurt avant l'âge de cinq ans et les mères ont 120 fois plus de risques de mourir que dans les pays développés. Les maladies bénignes, comme les maladies diarrhéiques, le paludisme, la pneumonie ou la rougeole, sont responsables de 60 % des décès. Lorsque ces problèmes de santé ne sont pas traités à temps, ils deviennent rapidement infectieux et trop compliqués à traiter.

Le décalage entre les besoins de santé de la communauté et le système de santé du pays est une cause majeure des taux élevés de mortalité. En raison de barrières financières et culturelles, ainsi que de problèmes de qualité des services, moins de la moitié des Maliens consultent un médecin lorsqu'ils sont malades. L'automédication et la médecine traditionnelle restent les solutions préférées et les médecins officiels ne sont consultés qu'en cas d'urgence, lorsque la maladie est à un stade avancé et que le coût du traitement est plus élevé. En outre, le système de santé publique du Mali ne dispose pas d'un niveau de couverture de base. Le système de santé public ne prend pas en compte les 95 % de la population qui travaillent dans le secteur informel. Les 5 % qu'il parvient à couvrir ne représentent que 9 % des dépenses totales de santé au Mali.

Dans ce contexte de disparités et d'inégalités de ressources, il est extrêmement difficile de développer des formes efficaces de santé préventive. Les structures de santé se concentrent sur le traitement des malades plutôt que sur les soins préventifs, par manque de ressources et par manque de retombées immédiates. Pour des raisons similaires, les familles sont réticentes à payer pour des soins préventifs.

Les soins de santé primaires sont le principal levier pour améliorer le système de santé défaillant d'un pays. Aujourd'hui, ces structures gérées par la communauté sont sous-utilisées et souffrent d'instabilité financière. Elles ne parviennent pas à générer suffisamment de revenus à partir des consultations ou des médicaments pour autofinancer leurs coûts. De plus, les centres de soins primaires ne sont généralement pas en mesure de traiter la majorité des patients, car ceux-ci arrivent souvent en situation de danger de mort et doivent se rendre à l'hôpital pour recevoir des soins appropriés. Promues par le gouvernement, les infrastructures médicales de proximité sont essentielles pour prévenir et traiter les maladies bénignes et développer un système de santé holistique.

La stratégie

Après avoir testé le modèle à Bamako, Anne a validé les éléments clés de la réussite pour développer son service médical à bas prix pour les jeunes enfants, qui repose sur un système d'abonnement à bas prix et sur la technologie mobile. Ces éléments comprennent un modèle économique peu coûteux, le recrutement et la formation d'une main-d'œuvre féminine, des outils technologiques efficaces et des partenariats avec des organisations locales de soins de santé primaires. En évaluant comment Pesinet injecte de la demande (consultations et médicaments) dans les centres de santé primaires, Anne a convaincu la Fédération nationale des centres de santé communautaires de signer un accord national pour déployer son service. Cet accord définit les responsabilités de chaque partie prenante pour réussir le déploiement de Pesinet dans une zone déterminée ainsi que les conditions financières : les médecins de premier recours locaux sont payés pour consacrer en moyenne 15 heures par semaine au traitement des patients Pesinet ; chaque membre du personnel doit suivre régulièrement des formations de base sur les soins préventifs et le comportement convivial pour devenir plus empathique ; les agents de poids deviennent membres des équipes médicales des centres de premier recours afin de mieux intégrer le service.

Anne a mis au point une méthodologie permettant de diffuser facilement sa solution de soins de santé autonome. Elle a commencé à s'étendre aux communautés situées à proximité de Bamako, afin de ne pas créer de disparités entre les communautés proches. Anne pilote actuellement l'adaptation de son service au suivi des femmes enceintes, en partenariat avec la Croix-Rouge française. Enfin, elle met en place un système de tarification par paliers avec des offres premium pour les classes moyennes et supérieures des populations qui ont montré un grand intérêt pour son service et qui seraient en mesure de payer plus cher pour s'abonner.

Avec le soutien de Deloitte, Anne a également identifié de nouveaux partenaires pour accélérer sa croissance. Les premiers sont les mutuelles d'assurance. Actuellement réformées, les compagnies d'assurance maliennes bénéficient du soutien du gouvernement pour atteindre de nouveaux clients parmi les populations à faibles et moyens revenus. Pesinet est donc une offre très attractive pour elles afin de mener à bien cette mission. A travers le premier pilote dans la région de Sikasso, avec un potentiel de 11 000 bénéficiaires, Anne teste et encadre un modèle de partenariat gagnant-gagnant qui lui permettra de s'étendre durablement dans de nouvelles villes et zones rurales. Le deuxième groupe de partenaires intéressants comprend des entreprises privées, en particulier dans l'industrie minière et l'agriculture. Désireuse d'offrir des services de santé à leurs employés, Anne développe une offre qui pourrait couvrir les coûts du service dans une toute nouvelle zone, et y voit une grande opportunité de s'étendre à d'autres pays africains.

Enfin, en dirigeant la diffusion du réseau Pesinet, Anne positionne Pesinet comme un partenaire de connaissance pour les gouvernements nationaux et les organisations internationales. Son réseau d'organisations affiliées dans les communautés urbaines et rurales constitue une formidable opportunité de collecter des données auprès des populations et de systématiser les veilles sanitaires nationales. A plus long terme, Anne vise à réaliser des études de santé régulières pour le Mali et d'autres pays africains, ce qui pourrait influencer considérablement la méthodologie et les résultats des études de santé nationales.

La personne

Anne s'est intéressée aux questions sociales dès son plus jeune âge, lorsqu'elle est devenue membre d'une troupe de théâtre qui organisait des festivals de rue et des pièces de théâtre dans des zones rurales isolées. Issue d'une famille de médecins, elle a toujours compris l'importance du système de santé publique et a donc décidé d'orienter ses études vers le secteur public. Tout en poursuivant ses études de sciences politiques, elle a travaillé pour l'ambassade de France au Liban. Au Liban, elle a utilisé son temps libre pour collaborer avec une organisation citoyenne locale, mettre en place un bibliobus et apporter des livres à des communautés isolées dont les infrastructures avaient été détruites par la guerre. De retour en France, Anne s'est concentrée sur le développement international et s'est rendue à Genève pour travailler au sein d'une organisation internationale sur les questions de migration. En développant de nouveaux partenariats de collecte de fonds avec de grandes entreprises, Anne s'est rendu compte que le secteur privé était un élément important des solutions aux problèmes sociaux et a décidé d'explorer cette idée plus avant. De retour à Paris, elle a pris un emploi de responsable de la responsabilité d'entreprise chez Alcatel-Lucent et a obtenu un financement pour suivre une formation sur l'entrepreneuriat social à l'ESSEC Business School.

Anne a eu l'idée d'un dépistage précoce des maladies en surveillant le poids d'une personne lors d'un cours intitulé « Création d'un produit innovant », au cours duquel on lui a présenté un projet qui n'a pas abouti, Initiative France, une importante société de capital-risque en France. Forte de ce point de départ, Anne a décidé de prendre les devants avec un groupe d'étudiants et de travailler sur un nouveau plan d'affaires afin de créer un système efficace, durable et autofinancé qui fonctionnerait. Elle a pris le temps de comprendre les causes de l'échec et s'est rendu compte que plusieurs éléments clés pouvaient être ajoutés au projet pour en assurer la réussite. Tout d'abord, Anne a travaillé sur la composante technologique et les applications mobiles en s'appuyant sur son expérience chez Alcatel-Lucent, ce qui lui a permis de prendre pleinement conscience du potentiel des nouvelles technologies lorsqu'elles sont appliquées à des problèmes sociaux. L'idée suivante est née d'une rencontre clé dans l'avion pour Bamako, qui l'a amenée à décider de construire son service en établissant un partenariat avec les centres de soins de santé primaires locaux et en utilisant les ressources médicales disponibles, au lieu de travailler avec des médecins privés onéreux. Finalement, la formation d'Anne en entrepreneuriat social à l'ESSEC l'a encouragée à adopter une approche d'entreprise sociale et à créer une solution durable basée sur le marché et indépendante des financements publics.

Aujourd'hui, Anne dirige Pesinet et est en charge de son expansion au Mali et dans d'autres pays africains. Elle est une coordinatrice engagée sur le terrain, comme en témoigne son travail avec des organisations internationales et de grandes entreprises (Orange, Alcatel, BNP Paribas et PPR). Consciente des écarts culturels, Anne a ancré sa solution localement en offrant des emplois à des femmes au chômage de longue durée, en responsabilisant le personnel local et en construisant un réseau de porte-parole au sein des communautés.