« C8 et NRJ12 écartées de la TNT par l’Arcom : "L’avis des Français qui regardent la télé ne devrait-il pas être sollicité ?" » - Tribune d'Elsa Da Costa, La Croix
L’autorité de régulation de l’audiovisuel a tranché. C8 et NRJ12 ne seront pas reconduites sur leur canal de la TNT. Cette décision sanctionne des modèles économiques certes, mais certainement en creux des grilles non conformes à l’enrichissement citoyen que peuvent représenter les programmes de grande écoute dans une société qui a tant besoin d’apaisement et de renforcement de lien social. Avec sa place centrale dans les foyers, le poste de télévision reste de loin le média le plus consulté par les Français (71 % des Français regardent quotidiennement la télévision, loin devant Internet, 52 %, selon le baromètre La Croix-Kantar 2023) . À l’instar de « The Voice », l’Eurovision, les rendez-vous sportifs incontournables, grand nombre de programmes fédèrent les audiences autant qu’ils nourrissent les commentaires sur les réseaux sociaux. Cette cohabitation dessine deux dimensions qui d’une certaine façon alimentent la défiance face aux médias. Car elle isole ceux qui regardent de ceux qui fabriquent. Les uns pensant que ce qu’ils produisent, au regard des audiences générées, continue de susciter l’adhésion, les autres trouvant dans le commentaire des programmes quelques raisons complémentaires de limiter la confiance à l’endroit des médias. 51 % des Français ne font pas confiance aux médias en général, la télévision se classe avant-dernière avec 49 %, devant Internet. Les temps politiques que nous traversons chahutent aussi notre idée même de la démocratie. Ils mettent au défi notre capacité, hors scrutin électoral, à désigner les citoyens comme partie prenante des décisions plutôt que simples bénéficiaires, cibles, ou point d’audience pour certains. À l’endroit des médias, il est plus que nécessaire d’ouvrir le capot en particulier sur la manière de produire les programmes, afin de gagner en clarté à défaut de transparence. Cette décision de l’Arcom nous donne une opportunité unique de faire aussi entendre la voix des citoyens de tous nos territoires. Et, malgré l’ambiguïté de la relation qui nous lie aux médias, ceux-ci continuent de façonner une vision du monde et déploient un récit dominant dans lequel la plupart des concitoyens tentent de se projeter avec une certaine forme de maltraitance. Preuve en est la réelle absence de représentation de la population française dans les programmes à l’antenne, notamment celles des plus jeunes, qui représentent 24 % de la population mais seulement 10 % sur les écrans (baromètre de l’Arcom 2023). Celle-ci est loin d’être étrangère ni à la défiance galopante, ni à l’émergence de mouvements sociaux voire sociétaux comme ceux des gilets jaunes. Inclure les citoyens dans la définition des récits de société est l’enjeu du paysage audiovisuel français pour les années à venir. Nous sommes tous passeurs de récits. Nous sommes tous responsables de la représentation de la société que nous souhaitons pour le monde. Selon l’étude de l’Arcom « Les Français et l’information », 76 % d’entre eux reconnaissent que l’information dans les grands médias influence leur opinion. Cette responsabilité est bien trop majeure à l’heure du numérique pour être assumée sans participation citoyenne. Si l’Arcom est légitime pour réguler le paysage audiovisuel, l’avis des millions de Français qui regardent la télé ne devrait-il pas être sollicité pour bâtir les programmes télé du XXIe siècle ? Soyons donc attentifs à la manière dont les nouveaux entrants sauront dialoguer avec des Français de plus en plus méfiants des médias pour faire de leurs canaux des espaces de discussions pour le bien commun et la restauration de la confiance à l’endroit des médias.Façonner une vision du monde
Protéger les publics