Jean-Loup Mouysset
Ashoka Fellow depuis 2010   |   France

Jean-Loup Mouysset

Ressource
Jean-Loup Mouysset, cancérologue de formation, révolutionne la prise en charge des maladies chroniques en impliquant les citoyens dans le processus de suivi et de soutien à long terme. Les résultats…
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RENDRE LES PERSONNES TOUCHÉES PAR LE CANCER ACTRICES DE LEUR SANTÉ

IDÉE

Jean-Loup Mouysset a mis au point un concept de Centre proposant aux personnes touchées par le cancer (malades et prochesadultes et enfants) une approche innovante offrant des soins de mieux-être et un programme personnalisé d’Accompagnement Thérapeutique (PPACT Ressource®). Il permet ainsi aux personnes malades ou aux proches de devenir acteurs de leur santé pour une meilleure qualité de vie, de meilleures chances de guérison et favoriser une réintégration à la vie sociale.

 

IMPACT

Les Centres Ressource ont permis d’accompagner près de 1 000 personnes par an depuis 2011, dont plus de 400 personnes engagées dans le programme d’accompagnement thérapeutique. L’association compte 300 adhérents au Centre par mois dont 10 enfants sur Aix, Centre le plus ancien créé. Ressource a également organisé 5 colloques internationaux. En 2016, la Fédération des Centres Ressource a été créée et 4 autres Centres ont ouvert en France (Montélimar, Montauban, Reims, Paris et Lyon début 2018). 2 livres décrivant le concept ont été publiés chez Mosaïque-Santé.

 

QUI EST-IL ?

Animateur de camps de vacances dans sa jeunesse, Jean- Loup choisit à 18 ans de s’orienter vers la médecine plutôt que la prêtrise. Médecin-oncologue, il crée le 1er centre d’Accompagnement Thérapeutique en France, offrant aux personnes malades et leur entourage un programme personnalisé “pour se construire et se reconstruire”. Il est aussi l’oncologue choisi pour le module cancérologie du 1er DU de Physionutrition créé en France (Grenoble). Interne aux USA, il intègre le service du Pr. David Spiegel, leader mondial de l’oncopsychologie, à Stanford University. Marié, Jean-Loup a 2 enfants.

This description of Jean-Loup Mouysset's work was prepared when Jean-Loup Mouysset was elected to the Ashoka Fellowship in 2010.

Introduction

Jean-Loup Mouysset, cancérologue de formation, révolutionne la prise en charge des maladies chroniques en impliquant les citoyens dans le processus de suivi et de soutien à long terme. Les résultats de son projet pilote avec des patients atteints de cancer démontrent l'efficacité de son approche communautaire attentive en influençant l'observance du traitement, en améliorant le bien-être physique et psychologique et en réduisant les taux de rechute et de mortalité. S'appuyant sur un large éventail de sources, Jean-Loup a créé le premier centre d'excellence du continent consacré à l'accompagnement communautaire des maladies chroniques.

L'idée nouvelle

Au cours des dernières années, le système médical français a fait des progrès en matière de recherche sur les maladies chroniques telles que le cancer, mais le traitement des patients reste traditionnel, élitiste et fermé. Sans se concentrer sur une vision holistique de la maladie, il nie la singularité du patient et cible donc les pathologies avec des méthodologies standardisées. Ce système a traditionnellement défini le traitement comme étant purement médical et limité aux médecins. Le modèle communautaire de traitement des maladies chroniques de Jean-Loup, qui change les systèmes, implique les patients et les citoyens dans le processus de traitement et crée une nouvelle capacité pour les institutions médicales de s'occuper du patient en tant que personne unique en fournissant un ensemble de traitements innovants et personnalisés. En commençant par le cancer, Jean-Loup imagine un système de soins dans lequel la chimiothérapie et la radiothérapie ne sont que deux des nombreux aspects du traitement du cancer, et il fournit aujourd'hui aux patients les éléments manquants.

Conscient que l'amélioration de l'observance et des résultats des traitements passe par la prise en compte de tous les aspects de la vie du patient, Jean-Loup met en place des groupes de travail qui traitent systématiquement du soutien psychologique, de l'accompagnement social ou du bien-être esthétique et physique. Ces communautés de pratique associent des spécialistes médicaux et non médicaux, des travailleurs sociaux, des psychologues, des familles, et entourent les patients tout au long de leur maladie et après. Les groupes d'expression d'entraide où 10 à 12 patients partagent leurs réalisations, leurs craintes, leurs solutions et leur soutien psychologique jouent un rôle crucial en offrant aux patients une communauté et un réseau solides tout au long de la maladie. N'étant plus isolés par leur souffrance, ils deviennent des acteurs centraux de leur guérison, plutôt que des observateurs passifs de leur maladie.

Ces communautés améliorent non seulement le traitement des patients, mais elles jouent également un rôle majeur dans la transformation du système médical et dans le changement de perception des maladies chroniques. Jean-Loup est à l'origine d'un mouvement de patients, de professionnels et de familles informés qui donnent de la force à son modèle en le faisant connaître et en le promouvant par le biais de réunions d'information d'une ampleur sans précédent (c'est-à-dire avec une moyenne de 4 000 participants par réunion). Ainsi, au-delà de son premier centre, de plus en plus de patients responsabilisés commencent à solliciter la thérapie innovante de Jean-Loup. Il diffuse également son modèle par le biais de formations destinées aux bénévoles et aux médecins et par la mise en place de centres thérapeutiques dans de nouvelles régions. Jean-Loup considère son modèle communautaire comme la nouvelle norme pour lutter contre les maladies chroniques.

Le problème

Les maladies chroniques telles que le cancer affectent les sociétés de manière unique. Le cancer est devenu la première cause de mortalité en France, tuant 12 personnes par jour. Pour lutter contre cette « épidémie », de nombreux chercheurs ont expérimenté des traitements innovants, mais aucune de leurs avancées n'a été formellement intégrée dans les traitements médicaux. En 1990, le Dr David Spiegel, psychiatre réputé de l'université de Stanford, a observé que les patients vivaient deux fois plus longtemps lorsqu'ils étaient traités avec sa méthodologie de soutien psychologique. Par ailleurs, le Dr Barbara Andersen, de l'université d'État de l'Ohio, a mis en place une nouvelle méthodologie d'éducation thérapeutique pour expliquer le processus de guérison aux patientes atteintes d'un cancer du sein, et elle est parvenue à réduire les taux de rechute de 50 %. Il est de plus en plus évident que la prise en charge du bien-être psychologique des patients a une influence positive sur leur guérison ; cependant, à ce jour en France, ces types d'approches thérapeutiques psychologiques à l'égard des maladies chroniques restent en dehors du système médical traditionnel. Alors que plusieurs services médicaux proposent des soins esthétiques sporadiques, temporaires et dispersés, le seul soutien psychologique légalement mis en place en France est un entretien d'une heure avec une assistante sociale au début de la chimiothérapie.

En France, le cancer est encore considéré comme « l'autre » maladie ; de nombreux citoyens pensent que le cancer ne les touchera jamais de leur vivant, et il reste tabou et incompris en tant que maladie. Par conséquent, la dimension traumatisante pour les patients et leurs proches n'est pas prise en compte. En outre, la question de la vie après le cancer pour les patients guéris reste un problème non résolu. Il n'y a pas de soutien pour les traumatismes physiques et psychologiques à long terme, la lourde convalescence et le risque élevé de rechute. Le manque de soutien sociétal entraîne des sentiments de vulnérabilité et d'impuissance à des niveaux proportionnels aux traumatismes subis par les vétérans de guerre ou les victimes de catastrophes naturelles ou de viols. Dans la relation traditionnelle médecin-patient, la personne souffrante n'est pas en mesure de comprendre le traitement et reste isolée dans un modèle de receveur passif. Au contraire, il a été prouvé que la création d'une communauté autour du patient l'aide à lutter contre l'isolement et la solitude.

L'élitisme et le paternalisme du système médical français sont ancrés dans les pratiques traditionnelles, et les nouvelles thérapies sont rarement intégrées. Pourtant, les nouvelles thérapies permettent de réaliser des économies à long terme en termes de prévention des rechutes. Le coût des rechutes du cancer du sein s'élevant à 300 millions d'euros par an, il est urgent de mettre en œuvre des modèles de traitement innovants qui réduisent les coûts médicaux liés à la prise en charge des maladies chroniques. Bien que la lutte contre le cancer soit désormais considérée comme une priorité nationale, après le lancement du Plan Cancer 2009-2013, le gouvernement français a consacré 150 fois plus d'argent au traitement de la grippe H1N1 qu'au traitement du cancer. Dans l'ensemble, le gouvernement n'a pas fait d'efforts significatifs pour améliorer les traitements, de manière particulièrement innovante ou rentable.

Pour assurer la viabilité du système médical, il est essentiel d'ouvrir les élites médicales et les décideurs aux nouvelles thérapies. Au-delà du cas du cancer, des pathologies ou des troubles nouvellement apparus ou mal traités pourraient bénéficier d'une telle évolution du champ médical. C'est le cas de l'autisme, qui cache un large éventail de troubles du comportement mal traités. Autre exemple : la polysensibilité chimique (PC), qui concerne 4 % de la population, mais les personnes doivent se rendre aux États-Unis ou en Allemagne pour se faire soigner, car la maladie n'est pas soignable en France. La nécessité de mettre en place un cadre alternatif pour traiter un spectre de maladies chroniques par une approche de pleine conscience est donc critique dans une société où le traitement médical traditionnel s'est avéré insuffisant pour le bien-être des malades.

La stratégie

Pour répondre aux besoins des patients en cours de traitement ou en convalescence, Jean-Loup réunit un groupe unique de praticiens et de spécialistes qui offrent une large gamme de soins avec un modèle mixte de thérapie psychologique et physique. L'association Jean-Loup, Ressource, forme des esthéticiennes, des experts en sophrologie ou en réflexologie, des psychologues, des travailleurs sociaux, des médecins du travail et d'autres spécialistes à adapter leurs compétences au traitement spécifique des patients atteints de cancer. Cette communauté diversifiée a la capacité de répondre aux demandes spécifiques des patients qui viennent à Ressource. Tous les aspects de la souffrance des patients sont pris en compte pour améliorer leur bien-être et donc leur capacité à suivre les traitements ou à passer le cap de la réadaptation. La communauté est renforcée par les patients eux-mêmes : en plus de recevoir un traitement, chaque patient qui se rend à Ressource participe à des groupes de soutien et d'expression avec dix autres patients. Ces groupes permettent aux patients, aux anciens patients, aux familles et aux proches de partager leurs réalisations, leurs craintes et leurs solutions.

Jean-Loup s'appuie sur les expériences de groupes d'expression et d'éducation thérapeutique développées par les docteurs Spiegel et Andersen, qui ont respectivement démontré une augmentation de 100 % de l'espérance de vie des patientes et une diminution de 50 % du taux de rechute pour les patientes atteintes d'un cancer du sein. Jean-Loup a amélioré et complété ces méthodologies innovantes par un modèle communautaire à la carte qui a bénéficié à 1 500 personnes depuis 2003. Plus de 10 000 traitements ont permis d'améliorer considérablement les conditions de vie et le temps de guérison des patients. Pour atteindre un plus grand nombre de patients, il prévoit maintenant de mettre en œuvre une évaluation d'impact multidimensionnelle qui va au-delà des recherches précédentes. Elle se concentre sur de nouveaux aspects de l'amélioration du bien-être des patients, tels que l'observance du traitement, l'adoption d'un mode de vie sain et l'amélioration de la nutrition ou de la gestion du stress. Jean-Loup est ainsi à l'origine d'une nouvelle oncologie intégrative dans laquelle la chimiothérapie et la radiothérapie ne sont que des aspects d'un traitement plus large du cancer.

Pour donner une réalité concrète aux communautés et franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la pleine conscience dans le traitement du cancer et d'autres maladies chroniques, Jean-Loup a construit un lieu unique pour rassembler les différents acteurs et offrir aux patients des soins diversifiés, innovants et complémentaires. Dans un centre non médicalisé, facile d'accès et donc non stigmatisant, un psychologue accompagne le patient dans un programme personnalisé d'une durée d'un an. Chaque semaine pendant quatre mois, puis tous les deux mois pendant huit mois, les patients viennent au centre pour s'entretenir avec des experts en traitements de bien-être et en conseils sociaux. À long terme, Jean-Loup prévoit des traitements hospitaliers en fonction de la situation du patient. Ces spécialistes soutiennent le patient en fonction des besoins qu'il a définis avec la communauté des soignants et des psychologues. Pour surmonter les barrières institutionnelles et médicales, Jean-Loup suit sa vision et donne aux patients le rôle d'acteurs centraux de son modèle. Grâce à une stratégie virale utilisant les réseaux sociaux et les rencontres, il structure une communauté de patients qui se passe le mot : les patients demandent maintenant aux médecins d'inclure Ressource dans leur traitement.

Jean-Loup utilise Ressource comme un outil pour soutenir l'organisation de rencontres internationales inédites accueillant médecins, patients et familles. En 2008 et 2009, il a réuni plus de 8 000 personnes pour une série de conférences « Un autre regard sur le cancer », où les plus grands spécialistes du cancer ou d'autres maladies (dont les docteurs David Servan-Schreiber, Lucien Israël, David Spiegel) ont appelé à une nouvelle prise en charge des maladies chroniques lourdes. Jean-Loup crée ainsi les conditions pour que les médecins et les patients changent leur perception des traitements, et il est sollicité pour organiser régulièrement ces conférences. Travaillant en réseau avec des spécialistes étrangers du sujet au Canada, au Royaume-Uni, en Suisse et en Allemagne, Jean-Loup a déjà identifié les leviers existants pour reproduire et diffuser son modèle en dehors de la France.

La recherche de financements durables et l'évolution des politiques de santé sont également des éléments stratégiques pour la diffusion du modèle Ressource. Jean-Loup cible les dons individuels pour faire de la publicité autour de Ressource et s'adresse maintenant aux laboratoires pour obtenir un soutien financier et établir des partenariats autour de nouvelles méthodologies de traitement hybrides. En outre, il démontre les économies potentielles qu'implique son modèle, afin d'obtenir des financements de la part des agences régionales de santé qui sont prêtes à adopter des solutions moins coûteuses et à mettre en place un centre Ressource par territoire de santé. Jean-Loup sensibilise également les syndicats de médecins locaux et régionaux au changement de pratiques et à l'intégration de nouvelles approches dans la formation des médecins. A terme, il élargit également son concept en ouvrant son centre pilote à d'autres types de maladies chroniques, comme la polysensibilité chimique. Jean-Loup crée ainsi un réseau de pôles permettant aux spécialistes et aux patients confrontés à un large spectre de maladies de travailler mutuellement à une meilleure prise en charge des maladies chroniques.

La personne

Jean-Loup a grandi dans le sud de la France, exposé dès son plus jeune âge aux enseignements religieux de ses parents. Engagé dans la paroisse locale, il a participé à des camps d'été œcuméniques dirigés par une organisation jésuite tout au long de sa jeunesse jusqu'à ce qu'il devienne superviseur d'un camp à l'adolescence. Le temps et l'engagement de Jean-Loup au sein de l'organisation lui ont permis de développer un grand sens du travail en équipe et de l'esprit communautaire, ainsi que de l'altruisme et de l'attention. Pendant un certain temps, il a voulu devenir prêtre, mais il a finalement choisi la médecine comme moyen le plus efficace d'aider les personnes souffrantes.

Au début de sa carrière en oncologie, Jean-Loup a compris que son rôle en tant que médecin était d'accorder plus d'attention au patient qu'à la pathologie. Il a commencé à lire les travaux du Dr David Spiegel pendant ses études de médecine en France et s'est battu pour obtenir un financement de son université afin d'assister à l'une des expériences du psychiatre sur les groupes d'expression pour les patients atteints de cancer à l'université de Stanford. Comme sur le chemin de Damas, cette rencontre l'a aidé à construire sa propre méthodologie de traitement des patients. Sensible à d'autres approches médicales, Jean-Loup se forme dans différents domaines comme les biosciences de l'environnement, qui l'aident à comprendre le rôle crucial de l'écosystème autour du patient et à mettre en œuvre une vision attentive du traitement médical. En tant que jeune médecin à l'hôpital de la Timone à Marseille, ses collègues ont été impressionnés par sa « rigueur médicale et son engagement auprès des patients ».

Pas à pas, Jean-Loup a développé son modèle et créé la première communauté dont les acteurs principaux sont des personnes souffrant ou ayant souffert d'un cancer. Il pense qu'elles vont véritablement transformer le système en les plaçant au centre d'un large éventail de citoyens et de professionnels. Jean-Loup a structuré son modèle de patient en recrutant une partie de son personnel parmi les anciens malades. Les patients en souffrance bénéficient ainsi d'une valeur ajoutée très rentable : La compréhension.

Jean-Loup a toujours pensé que la démonstration de l'efficacité d'un modèle est la meilleure stratégie pour convaincre et accélérer le changement. Dans un monde médical fermé, traditionnel et peu enclin à l'innovation, il a construit un hôpital privé à but non lucratif d'un nouveau genre, unique en son genre dans le domaine des structures de prise en charge médicale. Aujourd'hui, le modèle communautaire que Jean-Loup a initié va au-delà des projets qu'il mène directement, et a le potentiel de transformer les pratiques médicales.