Marie-Noëlle Besançon
Ashoka Fellow depuis 2007   |   France

Marie-Noëlle Besançon

Les Invités au Festin
Marie-Noëlle Besançon révolutionne les soins de longue durée pour les personnes souffrant de maladies mentales en France en développant un réseau de centres de vie non médicalisés, peu coûteux et…
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UNE RÉHABILITATION SOCIALE DURABLE POUR LES MALADES PSYCHIQUES

IDÉE

Psychiatre, elle créé le chaînon manquant entre la psychiatrie et la société en développant des structures légères non médicalisées en collaboration avec une communauté de citoyens, qui permettent la réhabilitation psychosociale des personnes souffrant de troubles psychiques et sociaux, pour une prise en charge moins onéreuse et plus efficace, et à terme un changement du regard de la société. Il s’agit d’une psychiatrie citoyenne et humaniste.

 

IMPACT

Une structure pilote a permis de vérifier la diminution des crises et des symptômes chez les personnes accueillies et l’amélioration de leur bien-être. Avec Les Invités Au Festin, Marie-Noëlle permet l’économie de 2000 journées d’hôpital/an, soit 750 000€. La consommation de médicaments baisse également. Aujourd’hui, le réseau des Invités Au Festin compte 13 associations œuvrant à la création de “ lieux d’accueil et de vie “ en France et à l’international (Belgique, Rwanda). Il y a 660 bénéficiaires directs dans le cadre du réseau, dans 12 lieux de vie (100 places), 10 accueils en journée, 2 fermes thérapeutiques, 250 bénévoles, 70 salariés. 9 projets sont en parcours d’émergence, 2 en parcours de maturation. L’objectif pour 2017-2018 est de créer 60 places de plus. Les IAF sont co-fondateurs du Mouvement international citoyenneté santé mentale, et de l’Association régionale pour la psychiatrie citoyenne. Enfin, les IAF sont lauréats du chantier présidentiel La France s’engage en mars 2015.

 

QUI EST-ELLE ?

Médecin-psychiatre, Marie-Noëlle fut traumatisée par les pratiques qu’elle a vues dans les hôpitaux psychiatriques. Elle a décidé de tout faire pour créer des lieux humanistes, ouverts, non stigmatisants et efficaces. Elle est l’auteur de “Les soins en psychiatrie, une affaire citoyenne” (2011), “Arrêtons de marcher sur la tête ! Pour une psychiatrie citoyenne” (2009) et “On dit qu’ils sont fous, je vis avec eux !” (2006). Avec son mari, elle forme un tandem de choc à la tête d’IAF.

This description of Marie-Noëlle Besançon's work was prepared when Marie-Noëlle Besançon was elected to the Ashoka Fellowship in 2007.

Introduction

Marie-Noëlle Besançon révolutionne les soins de longue durée pour les personnes souffrant de maladies mentales en France en développant un réseau de centres de vie non médicalisés, peu coûteux et facilement reproductibles, visant à faire passer les soins des personnes souffrant de problèmes psychiatriques de la sphère clinique à la sphère citoyenne.

L'idée nouvelle

En France, les personnes souffrant de troubles mentaux sont souvent perçues comme menaçantes et dangereuses. Marie-Noëlle s'efforce de dissiper ces préjugés et d'accroître l'empathie du public à l'égard de cette communauté en l'intégrant mieux dans la société. Grâce à un système innovant de vie en communauté, elle invite tous les citoyens à s'intéresser directement aux maladies mentales - les leurs ou celles des autres - afin de surmonter la stigmatisation qui les entoure. Alors que de tels modèles sont généralement utilisés pour les personnes souffrant de handicaps, d'exclusion sociale ou d'addiction, Marie-Noëlle a acquis une large reconnaissance dans le monde universitaire en tant que pionnière de sa nouvelle approche de la psychiatrie.

Le plan de Marie-Noëlle visant à lutter contre la stigmatisation et à promouvoir la santé mentale permet de briser l'exclusion sociétale systématique des personnes souffrant de troubles mentaux. Elle y parvient en engageant d'abord les acteurs locaux dans la création et la pérennisation des centres de vie, en encourageant les médecins, les organisations citoyennes, les gouvernements locaux et les communautés à participer en tant que partenaires, conseillers et soutiens. Au sein de ces centres, sa stratégie très inclusive s'adapte aux capacités individuelles, aux aspirations personnelles et aux besoins fondamentaux, permettant aux patients, au personnel et aux bénévoles de vivre ensemble et de développer pleinement leur potentiel, tant sur le plan personnel que professionnel.

Étant donné que les médecins fonctionnent comme des partenaires au sein de son système et travaillent en dehors des limites des centres, les individus ont tendance à s'appuyer davantage sur la base communautaire globale que Marie-Noëlle a encouragée, ce qui entraîne une réduction des coûts de santé et une augmentation de l'efficacité. Dès que les patients commencent à participer au programme, les symptômes tendent à diminuer de façon spectaculaire, tout comme la fréquence des hospitalisations, les niveaux de médication et les incidences de rechute. En outre, les coûts ont été considérablement réduits, passant de 800 euros par patient et par jour, entièrement payés par la sécurité sociale, à 50 euros par jour dans un centre, payés par un mélange équilibré de prestations de sécurité sociale, de génération de revenus par le biais d'activités d'insertion et de soutien local. Par conséquent, son modèle est 10 à 70 fois moins coûteux que toute autre solution existante.

Le problème

Les personnes souffrant de maladies mentales ont souvent besoin de soins pendant la majeure partie de leur vie, et lorsqu'elles n'ont pas accès aux soins, elles sont plus susceptibles de voir leurs symptômes s'aggraver, ce qui entraîne parfois une plus grande exclusion sociale et émotionnelle. Cette situation est tout à fait évidente en France, où les personnes souffrant de troubles psychiatriques représentaient 30 % de la population des sans-abri en 2000, et 40 % de la population carcérale.

Ces dernières années, les professionnels ont déplacé leur discours psychiatrique vers le secteur citoyen afin de combler le fossé grandissant entre les personnes handicapées mentales et le reste de la société. Ainsi, le gouvernement français a mené une politique volontariste de démantèlement des hôpitaux psychiatriques, réduisant le nombre de lits de 170 000 à 70 000 entre 1970 et 1995. En conséquence, les personnes en situation critique sont hospitalisées en moyenne 40 jours au lieu de plusieurs années.

La pénurie de lits d'hôpitaux et de solutions de soins adaptées, associée au coût élevé des traitements médicaux, fait peser une lourde charge sur la société française et sur les quelque 600 000 ménages qui s'occupent de proches handicapés mentaux. Ces familles sont confrontées à des situations de détresse et de dépendance sans fin, qui s'ajoutent à la stigmatisation persistante de la maladie mentale, ce qui ne fait que les isoler davantage, ainsi que les patients, du reste de la société.

Les échecs de cette restructuration sont encore accentués par le développement insuffisant des institutions en dehors des hôpitaux psychiatriques. Les quelques établissements actuellement ouverts aux personnes psychologiquement fragiles - centres psychologiques et médicaux, hôpitaux de jour, foyers post-thérapeutiques, appartements thérapeutiques - limitent strictement la durée des séjours et isolent clairement les patients de leurs médecins et de la société. En outre, très peu d'entre eux fournissent des soins et une supervision tout en favorisant une vie autonome. En conséquence, les patients souffrent d'une faible estime de soi car on leur refuse leurs droits en tant que citoyens à part entière et productifs. Les conséquences sur leur santé sont dramatiques, entraînant dépression, maladies et parfois toxicomanie, exacerbant encore leurs problèmes psychologiques et conduisant parfois à une mort prématurée.

La stratégie

Pour rendre la psychiatrie citoyenne accessible à tous, Marie-Noëlle a lancé le réseau Les Invités au Festin (IAF), un groupe franchisé de centres de soins dans toute la France. Ciblant d'abord les grandes villes qui en ont le plus besoin, elle a ouvert des centres dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants. Son centre pilote de Besançon accueille une centaine de patients par an, emploie quatre personnes à temps plein et 60 bénévoles, et permet d'économiser 700 000 euros de cotisations sociales par an. D'ici 2009, le réseau IAF gérera également des centres à Paris, Lille, Lyon et Montpellier, et d'ici 2012, Marie-Noëlle espère étendre le réseau pour inclure au moins un centre dans chacune des 23 régions de France, aidant ainsi plus de 2 500 patients chaque année et permettant à l'État d'économiser près de 20 millions d'euros.

Le programme de Marie-Noëlle, qui était au départ une sorte d'expérience sociale, est aujourd'hui largement reconnu par les praticiens, qui la considèrent comme une pionnière dans le domaine de la psychiatrie. En conséquence, elle a élargi son programme en y incluant une variété de partenariats stratégiques avec des organisations citoyennes et des institutions publiques à l'échelle nationale. Par exemple, son partenariat avec l'UNAFAM, la plus grande association de familles de personnes handicapées mentales, lui a donné une légitimité et une large base locale de soutien. De plus, pour surmonter la difficulté de trouver des logements adéquats mais abordables pour accueillir ses centres, elle a développé un partenariat avec Habitat et Humanisme grâce auquel l'IAF bénéficie d'un soutien complet pour acheter, développer, rénover et/ou adapter des bâtiments pour accueillir les centres.

Pour ancrer ces centres dans leurs communautés locales, Marie-Noëlle a développé une variété de partenariats de base, généralement avec des entrepreneurs locaux qui sont à la tête de comités de lancement. Ces comités dirigent ensuite la collecte de fonds, la planification et le lancement des nouveaux centres, en garantissant l'engagement de toutes les parties prenantes clés et en assurant le recrutement d'un personnel et d'un encadrement appropriés. Marie-Noëlle et le réseau IAF sont des partenaires et des facilitateurs à chaque étape, dotant les comités de lancement des outils et de l'expertise dont ils ont besoin.

La personne

Au cours de sa carrière de psychiatre, Marie-Noëlle s'est battue à plusieurs reprises contre des résistances et des pratiques profondément enracinées afin d'améliorer la prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux dans les institutions où elle travaillait. Grâce à ses relations étroites avec les patients et les familles, elle s'est rendu compte que la séparation des patients du monde extérieur les prédisposait à la rechute et à de nouvelles souffrances. Elle s'est donc donné pour mission de rapprocher les familles et de détecter les symptômes plus tôt grâce à une garderie pour enfants au sein de l'hôpital. Les résultats ont été si spectaculaires qu'ils ont convaincu ses collègues d'adopter des méthodes de soins plus humaines et lui ont valu de nombreux soutiens lorsqu'elle a lancé un programme unique de réadaptation progressive pour les patients qui sortaient de l'hôpital.

Comprenant les limites du traitement médical et le besoin criant de solutions de soins à long terme, Marie-Noëlle a quitté l'hôpital et a créé l'IAF, un espace où les patients et les membres de la communauté peuvent se rencontrer et partager leurs expériences. Inspirée par les modèles utilisés avec les handicapés mentaux, elle a passé les six années suivantes à développer et à démontrer l'efficacité de ce qui allait devenir le premier centre IAF, dans lequel elle a vécu avec des patients, testé des activités de développement personnel et professionnel, développé une base citoyenne solide en engageant la communauté locale, et lentement surmonté la résistance du corps médical. Lorsqu'elle a publié un livre sur son expérience, You call them crazy and I live with them (Vous les traitez de fous et je vis avec eux), elle a connu un succès et une reconnaissance immédiats auprès des professionnels et du grand public.

Le centre de Besançon est aujourd'hui totalement indépendant et Marie-Noëlle parcourt la France pour partager son expérience avec les professionnels, les organisations citoyennes et le public. Elle travaille également à faciliter le développement de comités locaux qui dirigent le lancement de nouveaux centres et rencontre les institutions gouvernementales afin de poursuivre ses efforts en faveur de l'intégration et de la reconnaissance des personnes souffrant de troubles mentaux dans la société. Parmi ses plus fervents soutiens figurent Bernard Devert, fondateur et président d'Habitat et Humanisme, et Martin Hirsch, récemment nommé ministre des solidarités actives contre la pauvreté.