Introduction
François Marty établit de nouvelles normes et redéfinit l'aspect des logements sociaux : des maisons esthétiques, de haute qualité et écologiques. Avec les municipalités, il modifie la vision des opérateurs de logements publics et démontre la viabilité économique de ces maisons. Il crée et forme également un tout nouveau secteur d'entreprises sociales, employant les personnes les plus marginalisées dans le domaine de la construction écologique. Ce faisant, il garantit une forte rentabilité économique pour les opérateurs de logements sociaux et les entreprises de construction sociale, une protection sociale pour les familles logées et les travailleurs de la construction nouvellement insérés, ainsi qu'un impact environnemental puissant dans les quartiers à faibles revenus.
L'idée nouvelle
François voit dans les besoins croissants des pauvres en matière de logement une occasion de redéfinir les logements sociaux. Il mène ainsi une action visant à construire pour les pauvres des maisons écologiques attrayantes et ultramodernes qui font la fierté des quartiers, améliorent considérablement le niveau de vie des habitants tout en réduisant leurs dépenses grâce à l'utilisation de la lumière du jour, de matériaux naturels et de la récupération des eaux de pluie pour réduire les factures d'énergie. Son véritable défi étant de convaincre les municipalités d'adopter son modèle pour leurs projets de logements sociaux, François bouscule le marché du logement public et ses règles de fonctionnement. En misant sur la volonté des élus d'afficher une conscience sociale et écologique, il contraint indirectement les opérateurs de logements sociaux et les architectes existants à s'aligner sur son modèle et à adopter des normes de qualité écologiques et sans compromis. Il démontre également la rentabilité économique d'une baisse de la facture énergétique qui réduit le taux de défaillance des locataires. Afin de surmonter les limites structurelles d'un secteur de la construction confronté à une forte demande, à une pénurie de main-d'œuvre, à un manque de familiarité avec la construction écologique et à de faibles rendements sur les chantiers de logements sociaux, François a réinventé le processus de construction des logements sociaux. S'appuyant sur de nouvelles techniques de construction et des normes de qualité non négociables, il a créé le label Chenelet, une méthodologie qui utilise des matériaux naturels locaux, mélange des techniques de construction ancestrales et modernes, et forme et emploie des personnes auparavant exclues du marché du travail. François est également en train de structurer un tout nouveau secteur d'entreprises sociales en employant des pauvres pour construire des maisons écologiques de la plus haute qualité, pour les plus démunis, et il forme une main-d'œuvre pour la construction écologique de l'avenir.
Le problème
Obligation légale imposée à chaque ville de France, les logements sociaux sont destinés à offrir des conditions de vie décentes aux personnes les plus démunies, avec des loyers garantis et plafonnés. Elles sont gérées par des opérateurs de logement publics et privés et par des municipalités chargées de la gestion du foncier, de la construction et de l'immobilier. Depuis les années 1970, date des premiers grands ensembles, les logements sociaux sont essentiellement constitués de tours de faible qualité, construites à la hâte, souvent dans les quartiers les plus défavorisés des villes où les conditions de vie sont médiocres. La mauvaise qualité de la construction explique les coûts élevés d'énergie et d'entretien qui annulent souvent l'impact de loyers plus bas. Vivre dans un logement public est souvent stigmatisant, renforçant l'isolement des personnes déjà touchées par le chômage et la pauvreté et affligées par la violence familiale et communautaire.
Aujourd'hui, environ 5 millions de familles ont droit à un logement social en France. Chaque ville de plus de 20 000 habitants est censée garantir que 20 % de ses logements sont publics. Cependant, ce chiffre est rarement atteint. On estime qu'il manque 800 000 logements pour répondre à la demande de logements sociaux. Au début de l'année 2007, des vagues massives de manifestants sont descendues dans les rues des villes françaises pour réclamer des améliorations dans le domaine du logement social. En hiver, des centaines de tentes ont été installées pour accueillir les sans-abri et les mal-logés. Une nouvelle loi garantissant le droit au logement a été adoptée et le gouvernement a annoncé la construction de 100 000 logements. A ce jour, un an et demi plus tard, seules quarante maisons ont été construites. Les raisons pour lesquelles les villes ne remplissent pas leurs obligations sont nombreuses. La construction de logements sociaux est impopulaire, car les habitants craignent une augmentation de la criminalité et une détérioration de leur niveau de vie. De plus, lorsqu'elles veulent commander des projets de logement, les municipalités et les opérateurs de logement social sont confrontés à la difficulté de trouver des entrepreneurs. Le secteur de la construction connaît un véritable goulot d'étranglement, avec une pénurie estimée à 75 000 travailleurs de la construction pour répondre à la demande du secteur. Pour les entreprises de construction, la construction de logements sociaux n'est pas très rentable et elles donnent la priorité à d'autres projets de construction plus lucratifs. En particulier, le secteur de la construction écologique est encore très récent en France, et est réservé à une élite qui a les moyens de s'offrir des matériaux coûteux et une main-d'œuvre qualifiée.
La stratégie
François est convaincu que les personnes défavorisées ont besoin des meilleures conditions de vie pour sortir de la pauvreté, et que l'habitat écologique est le meilleur moyen d'y parvenir. Il a effectué des recherches pour concevoir les maisons les mieux adaptées aux besoins des pauvres. Grâce à des consultations et à des groupes de discussion, il a identifié les éléments clés que les familles souhaitent trouver dans leur maison - par exemple, où placer les escaliers et les chambres à coucher, comment isoler le bruit, où placer les fenêtres pour voir les voisins ou permettre aux personnes âgées de voir à travers les portes. Il a ensuite recherché des matériaux et des techniques de construction écologiques traditionnels pour répondre à ces exigences. Il en résulte des maisons très agréables, intégrant tous les éléments souhaités par les clients, combinés à des planchers en bois, une excellente isolation, des murs en terre cuite, beaucoup de lumière naturelle, des poêles à bois et des mécanismes de collecte des eaux de pluie pour minimiser les factures d'énergie. Ces maisons sont devenues une source de fierté pour le quartier.
Après avoir obtenu le statut d'opérateur de logement social, François a construit les projets pilotes dans sa commune et a ainsi démontré aux municipalités qu'il est possible de construire écologiquement pour les pauvres. Son succès a enthousiasmé les maires qui souhaitent améliorer leur image tout en remplissant leurs obligations légales. Si les coûts de construction du Chenelet sont plus élevés (1 600 euros (2 100 dollars) par mètre carré contre 1 500 euros (1 985 dollars) en moyenne pour les projets de logement ordinaires), le coût de la vie dans une maison est en moyenne trente pour cent inférieur à celui des autres logements à loyer modéré, ce qui garantit des remboursements de loyer plus réguliers. Cela permet aux opérateurs de logement social de récupérer rapidement leur investissement et de faire des bénéfices, alors qu'ils perdent chaque année des millions en loyers impayés. François fait évoluer la perception de la valeur d'un logement, qui doit être mesurée au fil du temps et non à la construction, et travaille avec les banques pour créer de nouveaux types de prêts sur des périodes plus longues afin de permettre aux groupes à faibles revenus d'accéder à l'immobilier.
Avec l'exigence d'augmenter l'impact de son travail, François doit augmenter la capacité de construction du secteur du logement. Il a détaillé les processus de travail de Chenelet et créé un label de qualité pour la diffusion de son travail : 1) Dans sa scierie du nord de la France, François produit des éléments de construction standard, avec des techniques qui permettent d'employer et de former des personnes qui ont longtemps été exclues du marché du travail ; 2) Avec chaque municipalité, Chenelet s'occupe de la transaction commerciale et gère les relations avec les opérateurs locaux ; 3) Par le biais de consultations et de recherches locales, il travaille avec des architectes locaux pour concevoir des maisons qui répondent aux besoins locaux et qui utilisent des matériaux et un savoir-faire locaux ; 4) François identifie et forme des entreprises locales de construction sociale, qui emploient des chômeurs de longue durée, en particulier pour participer aux éléments écologiques à haute valeur ajoutée de la chaîne de valeur de la construction ; 5) Après un processus minutieux d'adhésion et de labellisation, ces entreprises peuvent rejoindre le réseau Chenelet et développer indépendamment leur marché local de maisons écologiques à faible revenu, mais toujours avec un contrôle de qualité de haut niveau.
Par ce processus, François assure la création et la croissance du secteur du logement social écologique. Il forme également des milliers de personnes parmi les plus marginalisées aux techniques de construction écologique et les réintègre dans le marché du travail.
Après avoir construit ses maisons pilotes en 2001, François a conçu et amélioré son processus pour répondre au nombre croissant de commandes. Il concentre ses efforts sur la construction de la marque Chenelet, la garantie de sa qualité et le développement du réseau Chenelet pour répondre aux milliers de demandes qu'il a reçues. À ce jour, il a identifié et forme huit entreprises sociales pour former les graines du réseau, ce qui devrait lui permettre de répondre à 300 commandes au cours de l'année à venir.
La personne
À l'âge de 17 ans, François a reçu l'hospitalité d'un monastère local dans le sud de la France, où il a appris l'organisation communautaire, la solidarité et la valeur de la nature. Ce premier contact avec la religion a eu un impact considérable sur sa vie, lui inculquant les valeurs de solidarité, d'empathie et de générosité. Cette expérience l'a également conduit à chercher des moyens de subsistance dans des communautés partageant les mêmes valeurs et, après quelques années, à fonder une nouvelle communauté dans le nord de la France.
Pour garantir la pérennité de sa communauté, mais aussi pour fournir un emploi aux nombreux réfugiés immigrés que sa communauté aidait, il s'est lancé avec quelques amis dans la création de sa première entreprise dans les années 1980. Leur choix s'est porté sur le bois, et plus précisément sur les palettes d'expédition en bois, en raison des faibles qualifications requises et de la disponibilité du bois dans la région. Se développant rapidement, cette société coopérative se dote d'un système ERP performant et se spécialise bientôt dans la fabrication de palettes sur mesure. Avec 130 travailleurs en insertion professionnelle (anciennement chômeurs et disqualifiés), SPL est aujourd'hui leader sur son marché en Europe, et a étendu ses activités à sa propre scierie écologique et à son service de livraison par camion. Par principe, François insiste pour ne pas être payé plus que n'importe quel autre employé et gagne 1 200 euros (1 600 dollars) par mois.
Son expérience d'entrepreneur l'a amené à rencontrer des chefs d'entreprise, des hommes politiques et des écologistes, et il s'est heurté à l'idée que leurs différentes voix ne pouvaient pas s'unir. Il a suivi un executive MBA à HEC, la plus grande école de commerce française, et a commencé à chercher des moyens de changer le paradigme, ce qui l'a amené à écrire plusieurs livres et à travailler avec le cabinet du ministre de l'environnement à la fin des années 1990. C'est lorsqu'il a commencé à réfléchir à la manière d'assurer le logement de ses employés qu'il a construit les premières maisons Chenelet. Obsédé par l'idée que l'habitat écologique est la clé de la crise du logement social, il quitte son ancienne entreprise avec la ferme intention de travailler à plein temps au développement de Chenelet.
François est marié et père de cinq enfants.