Introduction
François Taddéi rompt avec le modèle élitiste, descendant et conservateur du système éducatif français qui ne prépare pas les élèves à innover et à relever les défis complexes d'un monde en mutation. François réinvente l'enseignement scientifique au lycée et à l'université et jette les bases d'une industrie de la connaissance renouvelée et démocratisée. Son modèle intégré associe diverses disciplines, fait appel à des investissements privés et attire les étudiants les plus motivés qui acquièrent, inventent et appliquent les connaissances directement à des projets révolutionnaires. Cette architecture fondée sur la recherche inspire les établissements du système français et influence l'éducation au niveau international.
L'idée nouvelle
Grâce à une approche interdisciplinaire, fondée sur la recherche et l'expérience, François crée une architecture universitaire qui développe considérablement la créativité et l'empathie des étudiants, accélère l'innovation de pointe et attire les investissements privés vers les universités publiques. Son programme Frontiers of Life science est un terrain d'essai pour de nouveaux cadres interdisciplinaires au niveau de la licence, de la maîtrise et du doctorat qui favorisent les espaces de collaboration dans lesquels les professeurs et les étudiants peuvent co-construire le savoir. Ces cadres éducatifs deviennent ensuite des références pour tous les domaines de l'éducation et de la recherche.
Afin de démocratiser la participation au savoir et de s'assurer que tous les enfants ont accès aux mêmes opportunités, François a appliqué son idée pour créer un camp d'été scientifique interdisciplinaire basé sur la recherche et un programme de stage en laboratoire pour les élèves des écoles secondaires des quartiers défavorisés. Cette expérience transformatrice permet aux adolescents de devenir des champions de la science dans leur communauté et les met sur la voie de la réussite scolaire et personnelle. François étend progressivement son approche à des groupes encore plus jeunes grâce à des collaborations avec des établissements d'enseignement et travaille à la mise en place d'un programme interdisciplinaire intégré pour les écoles primaires et secondaires.
Convaincu du besoin global de modèles éducatifs démocratiques, participatifs, interdisciplinaires et innovants, François construit simultanément une plateforme mondiale en ligne qui rendra son cadre d'apprentissage et de recherche accessible à tous les étudiants du monde entier. Il travaille par exemple avec des universités chinoises et des fonctionnaires colombiens pour accélérer la diffusion de son approche.
Le problème
Comme dans la plupart des pays, le système d'enseignement supérieur français est confronté à d'immenses défis. En moyenne, 40 % des étudiants qui entrent dans les établissements d'enseignement supérieur en sortent sans diplôme. Cette situation s'explique en partie par un problème démographique : le nombre d'étudiants à l'université est passé de 60 000 en 1938 à 2 millions aujourd'hui. Pendant ce temps, le modèle d'enseignement supérieur n'a pas changé de manière significative. La France s'appuie sur un modèle éducatif à deux niveaux. Le premier est constitué de grandes écoles sélectives, qui forment les cadres, les hauts fonctionnaires et les ingénieurs de demain. Elles accueillent 3 % des étudiants et utilisent 30 % du budget de l'éducation. Le deuxième niveau est constitué des universités publiques, qui forment les chercheurs, les enseignants et les employés dans tous les autres domaines.
Dans le système éducatif français, 97 % des étudiants vont à l'université, où l'enseignement est gratuit mais aussi très peu interventionniste.
Il n'y a pas de sélection initiale dans les universités et beaucoup d'étudiants sont mal orientés. En effet, les étudiants doivent choisir une spécialisation dès la fin de leurs études secondaires. Aucune université publique ne propose de cursus interdisciplinaire, ce qui limite les possibilités de réorientation des étudiants. En sciences, par exemple, les étudiants doivent se concentrer sur les mathématiques, la chimie, la physique ou la biologie ; ils ne peuvent pas combiner les différentes matières, même si elles sont liées entre elles. En outre, les enseignants continuent de s'appuyer sur la méthode de la craie et de l'exposé plutôt que sur des pédagogies participatives. Cela limite la capacité des étudiants à faire preuve d'esprit critique et ne leur donne pas la possibilité d'innover.
Cette étroitesse d'esprit s'ajoute au manque d'argent investi dans la recherche, ce qui explique que très peu d'étudiants en sciences poursuivent des recherches en France et préfèrent les mener dans d'autres pays européens ou aux États-Unis. Un étudiant de troisième cycle en France gagne en moyenne 25 000 euros (35 325 dollars) par an, contre 50 000 euros (70 650 dollars) en Suisse. La réforme de 2007 a ouvert les universités au financement privé pour la première fois, dans le but d'encourager l'innovation et la compétitivité et de les rendre plus attrayantes et compétitives aux niveaux national et international. Cependant, la plupart des professeurs et des étudiants ont résisté à ce changement culturel, tandis que les administrations des universités ne sont pas équipées pour attirer des fonds privés.
Le système d'enseignement supérieur français reproduit en fait les inégalités socio-économiques. Les parents qui ont fréquenté des universités d'élite et mené des carrières intellectuelles encouragent leurs enfants à poursuivre des études d'élite : Dans 65 % des cas, les parents des étudiants d'élite sont des cadres supérieurs ou des dirigeants. Au contraire, dans les groupes à faibles revenus, seul un lycéen sur dix va à l'université et parmi eux, la plupart choisissent des diplômes professionnels de courte durée. Alors que l'enseignement des sciences dans les établissements d'enseignement supérieur d'élite augmente de 1 % par an, il diminue dans les universités. Il existe donc un vaste réservoir inexploité d'étudiants qui ont le potentiel d'apporter une énergie formidable et des idées novatrices dans le domaine de la recherche.
Il a été prouvé que la science et la recherche sont non seulement l'un des éléments clés de la compétitivité d'une nation donnée, mais aussi de formidables terrains d'expérimentation qui permettent aux étudiants de développer leurs capacités créatives, systémiques et leur esprit critique, ainsi que leur aptitude à collaborer. Avec un bagage scientifique adéquat, n'importe qui est capable d'examiner un problème, d'émettre des hypothèses et d'imaginer des solutions. Si on leur donne l'espace nécessaire pour expérimenter et la certitude qu'ils sont capables d'élaborer des solutions, ces jeunes ont tous le potentiel nécessaire pour apporter des changements décisifs dans nos sociétés.
La stratégie
Dans l'approche éducative de François, l'apprentissage commence par la remise en question de ce que l'on sait et consiste à repousser progressivement les limites de nos connaissances individuelles et collectives. Tout au long de leur cursus universitaire, les étudiants du Centre de recherche interdisciplinaire (CRI) de François abordent successivement des questions d'un point de vue à la fois étroit et éloigné, sous l'angle de la biologie, de la physique, de la chimie, des mathématiques, de l'histoire et de l'économie. Ils sont amenés à définir leurs propres questions, à collaborer et à rechercher des connaissances existantes sur lesquelles s'appuyer. L'enseignement se limite à des cadres généraux et à un contenu de base que les étudiants enrichissent et développent par le biais d'expériences et de recherches.
Ce type d'approche de l'apprentissage est radicalement nouveau dans le système français. Partant de sa propre expérience de chercheur en biologie et de professeur d'université, et constatant l'impact de son propre modèle interdisciplinaire sur la motivation des étudiants et les résultats de leurs recherches, François a combiné certaines des meilleures pratiques observées à l'étranger (en particulier aux États-Unis) et en a inventé de nouvelles pour créer le premier master interdisciplinaire en 2005 autour des frontières de la vie, attirant certains des étudiants les plus brillants de France et de l'étranger. Ces étudiants sont devenus si créatifs et ont cultivé des idées si radicales que François a rapidement constaté qu'ils ne seraient pas en mesure de trouver un programme d'études supérieures pour poursuivre leurs recherches. Il a donc créé sa propre version d'un programme de doctorat, en convainquant 80 laboratoires de recherche de toute la région d'accueillir les étudiants pour leur doctorat, tandis que le CRI devenait une plate-forme d'échange et de collaboration entre les étudiants. François s'est également rendu compte que la capacité créative et la motivation de ses étudiants étaient considérablement réduites au cours de leurs études de premier cycle, car ils étaient contraints de se concentrer sur des disciplines spécifiques et d'entrer dans un moule. Il a donc décidé de créer le premier programme interdisciplinaire de premier cycle basé sur la recherche, qui sera inauguré en septembre 2011.
L'approche révolutionnaire de François ébranle l'ensemble du système d'enseignement supérieur français en créant une voie permettant aux universités publiques de rivaliser avec les établissements d'enseignement supérieur d'élite. Dans le cadre de la réforme nationale, François a réussi à convaincre le ministre de la Recherche d'autoriser la recherche interdisciplinaire et inter-laboratoire dans la loi de 2007 sur l'enseignement supérieur. Depuis, et grâce au précédent créé par le CRI, pas moins d'une douzaine de doctorats interdisciplinaires ont été créés en France, ainsi que quelques masters.
L'approche de François bouscule en effet les résistances des universités grâce à son modèle économique : Il est particulièrement convaincant pour les investisseurs privés, dont les universités ont désespérément besoin. Soutenu par la plus grande fondation de France (Fondation Bettencourt), qui souhaite investir dans l'avenir de l'enseignement français, François a également convaincu les entreprises privées que son approche de la recherche débouchera sur des innovations de rupture dont elles bénéficieront. Il a réussi à attirer des investissements importants de la part d'entreprises comme AXA et Orange. C'est du jamais vu, car les entreprises privées ont tendance à donner aux universités d'élite et très rarement aux universités publiques.
Mais François ne veut pas seulement que les universités soient innovantes, il veut aussi qu'elles soient réellement accessibles à tous, en particulier aux étudiants talentueux et motivés issus de milieux défavorisés. S'adressant à des lycéens motivés qui ne se seraient jamais autorisés à poursuivre des études scientifiques, François a lancé la Science Academy en 2006 avec ses étudiants de master. Ce programme unique permet de participer à des projets de recherche dans certains des meilleurs laboratoires de France, sous la tutelle de chercheurs et d'étudiants. Le programme offre également des opportunités de mentorat et de stage tout au long de l'année, ainsi que des événements estivaux, au cours desquels les participants présentent les résultats de leurs recherches à d'autres lycéens, qui sont alors incités à les rejoindre. Chaque année, plus de 200 élèves participent au programme, et nombre d'entre eux créent ensuite des clubs scientifiques dans leurs lycées et poursuivent avec succès leurs études supérieures.
Convaincu que les opportunités et la créativité dépendent des expériences vécues dès le plus jeune âge, François étudie actuellement l'idée d'expérimenter un modèle éducatif complet, de la maternelle au lycée, qui serait couplé à un laboratoire de recherche interdisciplinaire sur l'éducation et le développement de l'enfant. Il travaille également avec le plus grand musée scientifique de France, qui accueille 700 000 enfants chaque année, pour développer un programme expérientiel et pratique basé sur les mêmes principes.
François voit l'opportunité pour son modèle d'avoir un impact global. Pour accueillir tous les étudiants du XXIe siècle, les gouvernements du monde entier devraient construire une université par jour et former des professeurs toutes les minutes. Au lieu de cela, François crée une plateforme en ligne permettant aux apprenants de collaborer, de partager et d'expérimenter avec son modèle interdisciplinaire, avec le potentiel de créer le plus grand centre de recherche et d'innovation. Il a convaincu une grande université chinoise de l'opportunité unique de fournir à ses étudiants des connaissances de pointe et la plus grande capacité d'innovation : des centaines d'étudiants chinois sont actuellement engagés dans le développement de la plateforme. François développe également des partenariats avec le ministère colombien de l'éducation et l'université Grameen.
La personne
Né et élevé dans une famille corse très engagée, dont les membres étaient soit docteurs en économie, soit professeurs de physique, soit dirigeants politiques et syndicaux, François a manifesté sur les barricades de mai 1968 à l'âge d'un an avec sa mère. Peu après, son père est devenu le plus jeune doyen d'université de France et a ensuite été élu au Parlement. François a reçu une éducation très libérale et n'a jamais reçu d'ordre strict pendant son enfance : Il a appris à n'agir qu'en fonction de sa compréhension et de sa pensée rationnelle. Chercheur né, il aime jouer et devient notamment champion d'échecs.
Bien qu'il s'ennuie souvent à l'école, François réussit brillamment les examens d'entrée à Polytechnique, la plus grande école d'ingénieurs de France, où il a la chance d'être exposé à de nombreuses disciplines et de voyager à travers le monde. Pendant son service militaire, il a passé plus de temps en prison que sur le terrain, car il n'obéissait pas aux ordres avec lesquels il était en désaccord. Après ses études, François décide de sortir des sentiers battus et refuse la carrière de haut fonctionnaire vers laquelle on l'avait poussé. Il s'engage alors dans la voie improbable de la recherche, qui l'a toujours fasciné. Il choisit la biologie car c'est la discipline qui lui offre le plus d'espace pour innover et expérimenter. François s'est concentré sur la biologie de l'évolution et la génétique, en appliquant une approche interdisciplinaire innovante.
Les découvertes révolutionnaires de François lui ont valu de nombreux prix, qu'il a systématiquement dépensés pour engager d'autres chercheurs et étudiants dans des groupes de recherche interdisciplinaires et intergénérationnels à l'INSERM, à l'université Paris Descartes et dans cinq autres laboratoires de la région parisienne. Lorsque François a remporté le prix de la Fondation Bettencourt-Schueller pour ses travaux sur l'évolution bactérienne en 2003, il a investi le prix en argent dans la mise en place d'un centre de recherche interdisciplinaire. Intriguée, l'équipe de la fondation pensait qu'il échouerait. Mais il leur a prouvé qu'ils avaient tort et les a ensuite convaincus de soutenir ses projets successifs. François utilise également sa capacité de réseautage pour naviguer dans les plus hautes sphères décisionnelles au niveau ministériel et a fait pression avec succès pour l'inclusion légale de l'éducation interdisciplinaire dans les programmes universitaires.
En 2005, frappé par les émeutes dans les banlieues françaises, François décide que l'enseignement universitaire doit être accessible à tous et utilise une partie de son financement pour créer une autre organisation citoyenne avec ses étudiants. Il a lancé la Science Academy, ouvrant le monde de la recherche aux jeunes marginalisés et les aidant à développer leur créativité et leur ambition. Depuis, François s'efforce d'intégrer sa méthode à tous les niveaux d'enseignement et s'associe de manière créative à des musées, des établissements d'enseignement et de recherche pour diffuser sa vision.