Fabrice Hégron
Ashoka Fellow depuis 2015   |   France

Fabrice Hégron

En Direct Des Eleveurs
En réponse à l'industrialisation croissante de l'élevage laitier en France, Fabrice développe une alternative d'élevage à petite échelle basée sur l'entrepreneuriat qui réinvente…
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REPENSER LA CHAÎNE DE VALEUR DE PRODUCTION DU LAIT AU PROFIT DES PRODUCTEURS, DES CONSOMMATEURS ET DE L’ENVIRONNEMENT

 

À travers de nouveaux modes de production, de transformation et de distribution, Fabrice Hégron révolutionne le modèle économique traditionnel de la filière du lait, en améliorant les conditions de vies et les conditions économiques des producteurs, et en proposant un lait
respectueux de l’environnement aux grandes qualités nutritives.

 

Découvrez la vidéo de présentation de Fabrice Hégron lors des Ashoka Talks 2015

IDÉE

Devant la chute dramatique du nombre de fermes avec la désertification des territoires ruraux, le développement de méthodes industrielles néfastes pour l’environnement et la qualité du lait, et les conditions de vie très dures des producteurs de lait, Fabrice Hégron révolutionne le modèle économique traditionnel de la filière du lait. Il ouvre de nouvelles perspectives, transforme les producteurs de lait en acteurs majeurs de l’industrie en les formant à l’entrepreneuriat, la vente, le marketing, le management de projet. Il les implique financièrement dans la détention de la société, et les rend décisionnaires des choix stratégiques tout en s’assurant d’offrir un lait respectueux de l’environnement et de bonne qualité nutritive.

 

IMPACT

Fabrice a monté une société pilote en LoireAtlantique avec 21 éleveurs, pouvant produire 22 millions de litres/an. Depuis septembre 2016, le lait EDDE est commercialisé dans 250 supermarchés du Grand Ouest et 3 magasins en région parisienne. 3 millions de litres ont été vendus en 6 mois auprès de 120 000 personnes. Son projet engendre un meilleur revenu pour les producteurs de lait et bénéficie désormais de la labellisation Bleu Blanc Cœur. En 2017, En Direct des Eleveurs a reçu deux prix internationaux au Word Dairy Innovation Award. Aujourd’hui, le projet est présent dans 3 régions (Pays de la Loire, Nouvelle Aquitaine et Bretagne), et rassemble 35 éleveurs.

 

QUI EST-IL ?

Né de parents et grands-parents producteurs de lait, Fabrice était nutritionniste pour une entreprise d’alimentation animale (bovins, ovins et caprins). Il a repris la ferme familiale en 2006 pour y intégrer des pratiques durables, et est l’ancien responsable communication de l’association des producteurs laitiers indépendants.

This description of Fabrice Hégron's work was prepared when Fabrice Hégron was elected to the Ashoka Fellowship in 2015.

Introduction

En réponse à l'industrialisation croissante de l'élevage laitier en France, Fabrice développe une alternative d'élevage à petite échelle basée sur l'entrepreneuriat qui réinvente le rôle des agriculteurs et les maintient dans le paysage agricole et économique. Grâce à de nouveaux modes de production et de distribution respectueux de l'environnement et offrant un lait sain, il positionne les producteurs laitiers comme des partenaires du bien-être et les reconnecte avec les consommateurs. Il crée ainsi un modèle économique viable, sans subventions, pour maintenir une industrie qui s'effondre.

L'idée nouvelle

Selon la tendance actuelle - avec un nombre croissant d'exploitations industrielles, le nombre d'exploitations laitières individuelles en France passera de 65 000 à 25 000 dans les 5 prochaines années. En outre, 5 000 d'entre elles resteront des exploitations familiales. Au lieu de se concentrer sur la quantité de lait produite, Fabrice investit avec succès dans les caractéristiques du lait local - goût, qualité, nutriments et expérience de la production du lait - pour créer une alternative sans précédent sur le marché du lait. Il estime qu'il s'agit là d'une réponse à la demande du marché et d'un moyen de permettre aux petits producteurs laitiers de renforcer leur indépendance économique et leur viabilité. Fabrice fonde son modèle sur la tendance de consommation massive de produits locaux et biologiques (essentiellement pour les légumes et les fruits) qui n'a pas pu avoir d'impact sur l'industrie laitière. Cela est dû à un obstacle majeur : le processus nécessaire de transformation du lait d'un produit cru à un produit pasteurisé.
pasteurisé. L'idée de Fabrice de créer de petites usines de transformation entrepreneuriales, associée à des efforts de lobbying, permet de libérer les producteurs de lait de l'obligation d'acheter du lait cru.
de lobbying, libère les producteurs laitiers des contrats de cinq ans avec les quelques usines industrielles qui ont toujours collecté, transformé et vendu le lait produit par des milliers de petits agriculteurs. Cela permet à ces derniers d'avoir une opportunité sans précédent de fixer un prix supérieur au coût de production et d'assurer la pérennité économique de leurs exploitations.

En regroupant des agriculteurs, des investisseurs, des distributeurs et des citoyens d'une même région, Fabrice crée des projets laitiers locaux qui repositionnent le rôle des producteurs laitiers en tant qu'acteurs clés de leur industrie. De simples producteurs laitiers, ils deviennent des entrepreneurs du lait et des acteurs du changement dans l'industrie alimentaire. Ils participent à chaque étape de la construction d'une alternative durable pour l'avenir de leurs exploitations : définition de nouvelles normes pour la production de lait de qualité, investissement dans des solutions de transformation propres, contribution aux stratégies de marketing, établissement de partenariats avec les distributeurs et développement de compétences commerciales pour promouvoir les produits directement auprès des consommateurs.

directement auprès des consommateurs. En rendant l'élevage laitier rentable, attractif et sans subventions, Fabrice transforme notre perception des agriculteurs et donne aux exploitations familiales une nouvelle chance de survivre et de jouer un rôle important dans le développement économique et social des régions rurales.

Le problème

Le secteur laitier a connu les mêmes évolutions que le secteur agricole en France. Les exploitations agro-industrielles bénéficient d'importantes subventions européennes. En conséquence, le nombre d'exploitations individuelles est passé de 120 000 à 65 000 au cours des 15 dernières années. Cette montée en puissance des exploitations agro-industrielles a impacté principalement les petites exploitations et les exploitations familiales. En outre, le développement des méthodes de production industrielle a eu un impact négatif sur l'environnement : nourriture dénaturée pour les vaches, augmentation des émissions de méthane, mauvaise qualité des sols et moins bonne qualité du lait, pour ne citer que quelques exemples. Parallèlement, de nouveaux modèles d'agriculture locale et biologique à petite échelle sont apparus pour permettre la vente directe des producteurs aux consommateurs (par exemple : « La Ruche qui Dit Oui », AMAP...), essentiellement pour les fruits et légumes. Les consommateurs n'ayant pas d'accès direct aux producteurs pour le lait, les produits locaux sont recherchés.

Les distributeurs alimentaires accordent désormais la priorité à la demande des consommateurs de savoir d'où viennent leurs aliments et comment ils sont produits. Au cours des dernières décennies, les conditions de vie des agriculteurs sont devenues plus difficiles, avec des pertes constantes. La plupart des agriculteurs travaillent 13 à 15 heures par jour, tous les jours de la semaine. En 2013, une étude du ministère de l'agriculture a mis en évidence la grande détresse du secteur, avec une augmentation du taux de suicide, notamment chez les producteurs laitiers confrontés à de lourdes difficultés financières. On compte aujourd'hui 1 suicide tous les 2 jours dans cette population, en particulier chez les hommes de 45 à 54 ans. Même s'ils investissent dans le développement, ils peinent à survivre et n'ont pas les moyens de se verser un salaire décent. L'incapacité à maintenir un patrimoine familial et à transmettre leur exploitation à leurs enfants est l'une des principales causes de détresse. Les petites exploitations familiales disparaissent en raison de leur mauvaise situation financière et du manque d'intérêt des jeunes générations pour la reprise des exploitations, surtout après avoir vu leurs parents en difficulté et discrédités. En conséquence, on observe un phénomène d'exode rural et de désertification de certaines régions. Les écoles et les hôpitaux continuent de fermer, ce qui entraîne de graves conséquences sociales et environnementales.

La stratégie

Fabrice a structuré son idée de projets laitiers locaux autour de 4 principes clés : 1) le partage de méthodes de production respectueuses de l'environnement et la production de lait sain ; 2) l'investissement et l'ouverture de petites usines de transformation ; 3) des efforts de marketing communs pour positionner une nouvelle marque unique de lait durable ; 4) des partenariats clés avec des distributeurs pour garantir l'accès au marché.

La clé du modèle repose sur des plans d'investissement ambitieux dans lesquels les agriculteurs deviennent propriétaires de l'ensemble de la chaîne de valeur. De la production à la transformation et à la vente, ils peuvent s'affranchir de leur dépendance pour devenir des transformateurs industriels de lait et gagner leur vie. Pour ouvrir la première usine de transformation en Loire-Atlantique, Fabrice et 25 agriculteurs ont levé huit millions d'euros grâce à des partenariats privés et publics, au crowdfunding et à un investissement initial de 25 000 euros par agriculteur. Bien que 30 % du capital soit détenu par des investisseurs privés et publics, l'usine fonctionne comme une coopérative dont le principe fondateur est que le contrôle sera toujours entre les mains des agriculteurs. L'usine a la capacité de collecter et de transformer 22 millions de litres de lait par an.

Pour promouvoir leur lait et assurer l'accès au marché, Fabrice et son groupe d'agriculteurs ont développé un réseau de confiance connu des consommateurs sous le nom de « From Us to You » (de nous à vous), où ils sont
transparence totale sur les modes de production du lait. Grâce à un code QR, un consommateur peut savoir exactement de quelle ferme provient son lait. En démontrant comment le projet attire les consommateurs, Fabrice a réussi à établir des partenariats clés avec de grands détaillants qui voient comment le projet attire les consommateurs. Le lait étant un produit de grande consommation, Fabrice a déjà signé des contrats avec 250 supermarchés régionaux. 500 d'entre eux sont prêts à intégrer le produit dans leurs rayons lorsque la production augmentera. Parallèlement, Fabrice explore les opportunités BtoB en devenant le premier fournisseur local de lait durable pour les restaurants scolaires, les hôpitaux et les boulangeries industrielles de haute qualité. Le facteur clé de succès de Fabrice est le changement d'état d'esprit des agriculteurs qui ont toujours été de simples producteurs. Fabrice a structuré un processus pour déclencher et accompagner un changement culturel dans leur vie quotidienne, afin qu'ils deviennent des acteurs actifs de l'industrie alimentaire, des ambassadeurs du bon lait et des pionniers d'un modèle alternatif d'élevage laitier durable. Grâce à son expérience personnelle du changement dans sa propre exploitation, Fabrice bénéficie de la confiance de la communauté des agriculteurs et accompagne un changement de système à grande échelle. Grâce au soutien d'un réseau de partenaires et d'experts, les agriculteurs en transition entre 6 mois et 1 an sont formés pour développer de nouvelles compétences en matière d'entrepreneuriat, de gestion de projet, de marketing et de vente, de finances et de savoir-faire industriel. Ils travaillent sur leur propre plan d'affaires pour transformer leurs méthodes de production tout en prenant des responsabilités dans la coopérative à travers 8 comités (finances, recrutement, ventes, marketing, développement des talents et collecte de fonds). Chaque comité travaille sur des activités spécifiques afin de développer les compétences dont l'ensemble du groupe a besoin pour réussir. S'appuyant sur son premier projet pilote, Fabrice présente maintenant le modèle aux petits producteurs laitiers d'autres régions, en leur donnant le courage, la confiance et les compétences nécessaires pour faire partie de l'économie. Il facilite la tâche des autres en leur fournissant des connaissances sur les méthodes de production biologique, les montages financiers et organisationnels, les rencontres avec les représentants politiques et les investisseurs potentiels, ainsi que des connaissances sur les processus industriels. Des résultats immédiats peuvent être observés sur les conditions de vie puisque les agriculteurs peuvent tripler leur salaire dès le départ (environ 2000€ par mois contre 600€ aujourd'hui) et embaucher quelqu'un pour les aider dans leurs activités quotidiennes.

Aujourd'hui, des groupes d'agriculteurs lancent le modèle dans quatre régions françaises (Aquitaine, PACA, Bretagne et Auvergne). Fabrice crée les conditions d'un impact à grande échelle. Bénéficiant désormais de la reconnaissance et du soutien du ministère de l'agriculture et du ministère de l'économie, il crée une nouvelle jurisprudence au niveau national pour obtenir que les agriculteurs puissent résilier leur contrat en cas de lancement d'un projet personnel. Il travaille également avec la Banque Publique d'Investissement pour donner aux agriculteurs les moyens d'acheter leurs premières parts dans la coopérative (investissement initial de 25 000 €).

La personne

Fils et petit-fils d'éleveurs laitiers, Fabrice connaît bien les difficultés de ce secteur. Il s'est détourné de sa carrière professionnelle initiale pour travailler dans le secteur agricole. Après une rencontre déterminante en 1992 avec un agronome qui lui explique l'importance des oméga 3 dans l'alimentation, il devient commercial pour une entreprise d'alimentation biologique du bétail et commence à sensibiliser aux pratiques durables dans l'agriculture. En 2005, après un grave accident de voiture, il décide de quitter son travail sur la route pour se rapprocher de sa famille. Il reprend la ferme familiale avec son frère, avec la ferme ambition de la transformer et d'abandonner les procédés industriels pour des méthodes de production durables.

Dès le départ, Fabrice avait une vision claire de ce qu'il ne voulait pas en tant qu'agriculteur. Durant son enfance, puis en tant que commercial dans le domaine agricole, il a vu ses parents et la plupart des agriculteurs vivre une vie pleine de sacrifices, constamment confrontée à des difficultés financières et à l'isolement. Il a également vu la pression exercée par l'agro-industrie, avec une détérioration progressive des conditions de vie et de fortes barrières culturelles pour pouvoir changer. S'appuyant sur les leçons tirées de son travail de terrain, ainsi que sur ses succès personnels en matière de changement radical, il a progressivement imaginé et mis en place le soutien nécessaire pour accompagner les agriculteurs dans la réinvention de leur rôle au sein de la société. Son indignation face à la situation critique de nombreux agriculteurs qu'il connaissait l'a poussé à se porter volontaire comme responsable de la communication pour l'Association nationale des producteurs laitiers indépendants (APLI), tout en gérant sa propre exploitation. Cette expérience l'a aidé à mener une forte campagne de sensibilisation des citoyens et des représentants politiques en 2009. Des centaines de producteurs laitiers sont venus à Paris sur leurs tracteurs et ont vidé des litres de lait dans la rue - du lait vendu à perte en raison du faible prix d'achat par les acteurs industriels. Malgré la forte médiatisation de cette action, les négociations sur le prix d'achat du lait ont échoué et Fabrice a décidé de développer une solution alternative directement sur le terrain pour les petits producteurs laitiers. L'idée de son initiative est née et il a commencé à impliquer les agriculteurs, les investisseurs, les distributeurs et les citoyens. Les expériences précédentes ont démontré la forte capacité de Fabrice à mener des projets à grande échelle - notamment avec un festival de musique local qui est devenu un rassemblement national célèbre, avec un budget d'un demi-million d'euros.
millions d'euros. Avec « En direct des producteurs laitiers », sa détermination entrepreneuriale et son sens de l'empathie lui ont permis d'impliquer les principales parties prenantes à différents niveaux, des agriculteurs aux ministres, avec pour objectif une mise à l'échelle rapide.